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Faux manchots ... mais vraie fouineuse !
 
La première partie de cette historiette est à l'évidence plus que personnelle,
mais à mon avis le décor méritait d'être ainsi planté ...à vous d'en juger !
 
Souffrant d'un problème récurrent d' "arrière-train" (si j'ose dire !), et ayant épuisé tous les baumes, onguents, et autres pommades possibles et imaginables, j'en étais au stade où nul n'a assez de ses dix doigts pour espérer apaiser l'intolérable.
 
Dès lors il a bien fallu "y passer", et donc avoir à connaître du bistouri, seule solution a priori rationnelle. C'était dans une bien connue clinique du centre ville nantais, là où trois spécialistes de renom se penchaient jour après jour sur les intimités souffrantes du Genre humain !
 
Généralement bénigne, mais toujours douloureuse (y compris parfois pour l'amour-propre !), cette intervention est très courante, et en quelque sorte non " sexiste ". Passée la trentaine, bon nombre d'hommes et de femmes se retrouvent en effet logés à une même enseigne, mais sauf à "rire jaune", un certain recul est à l'évidence nécessaire pour pleinement apprécier la cocasserie de la situation !
 
Au titre des consignes post-opératoires, il était prescrit de marcher, du moins autant que faire se peut, et les couloirs de ladite clinique servaient de déambulatoire à une cohorte de patients dignes de la fameuse "marche de l'empereur".
 
Le postérieur tout endolori, l'entrejambe baillant, et le dessous des fesses garni d'un énorme pansement cotonneux formant croupion ....tel était le lot commun !
 
Visage crispé, sinon grimaçant, chacun suivait l'autre sans quasi mot dire, trop occupé qu'il était à maîtriser la douleur, ou tout mouvement inconsidéré susceptible de la raviver.
 
La lenteur précautionneuse du pas, la contraction du bassin, la raideur et l'écartement des jambes, tout concourait à créer un dandinement à la mesure de celui des célèbres manchots, la déformation arrière des pyjamas et robes de chambres en tous genres accentuant encore la comparaison, et partant la drôlerie du "défilé".
 
Etant de ceux qui dorment très peu, je passais la moitié de la nuit le nez à la fenêtre, ce qui me permettait de changer de décor, et d'un peu tuer le temps, tout en respirant autre chose que les peu plaisantes "odeurs cliniques"…encore que celles montant de la rue soient rarement modèle de pureté !
 
Sur les coups de 3 h du matin il n'y a plus grand-chose à voir, hormis quelques noctambules à 2 ou 4 pattes, les premiers souvent fâchés avec la ligne droite, et les seconds prompts à vider de félines querelles sur le bitume, ou à lever la patte sur tous les enjoliveurs du quartier !
 
La surprise a donc été totale, même si la notion de "faune urbaine" (au sens zoologique du terme !) ne m'était pas étrangère. De loin, et tapie dans une zone d'ombre comme elle l'était, la bête pouvait passer pour un chat, mais bizarrement je pressentais tout autre chose.
 
Il aura suffit de quelques instants, et de la ronde d'une infirmière venant voir si "tout se passait bien", pour que la bestiole s'évapore sans laisser d'adresse, et pas davantage de pedigree. Quelque peu déçu, limite contrarié, je me suis pris à espérer son retour, mais à vrai dire sans trop y croire.
 
Sans doute y a-t-il un Dieu pour les naturalistes, car sortant de nulle part la bête est réapparue dans les minutes suivantes, et cette fois aisément identifiable, car nettement plus proche, plus visible, et de surcroît en mouvement.
 
Dotée d'un large plastron immaculé, et d'une queue joliment fournie, il s'agissait d'une superbe et très élégante fouine adulte, et sans doute d'un mâle compte tenu de la stature. Rasant maisons et immeubles du trottoir d'en face, l'animal remontait la rue dans ma direction, en progressant le plus souvent par de très typiques petits bonds successifs.
 
Tel un chien, et avec la tranquillité conférée par l'habitude, la bête s'arrêtait à chaque instant pour renifler ça et là, avec une préférence marquée pour les pas-de-porte, les entrées de garages, et à l'occasion les soupiraux.
 
Manifestement "chez elle", et donc parfaitement en confiance, la fouine comme il se doit "fouinait"....tout comme son cousin le furet passe son temps à "fureter" ....CQFD !
 
Au passage des voitures, au demeurant peu nombreuses à pareille heure, notre "fouineuse" se contentait d'un bref arrêt, et de se ramasser un peu sur elle-même, pour très vite repartir à sa guise sitôt l'alerte passée.
 
Pour sauvage qu'il soit, ce bel animal est connu pour relativement se complaire au voisinage de l'homme, sans pour autant le fréquenter. A titre d'exemple, il n'est pas rare de voir la fouine élire discrètement domicile dans les fenils et paillers des fermes, ou encore dans les greniers des vieilles bâtisses campagnardes…voire urbaines comme présentement.
 
En fait il serait plus exact de considérer que nous empiétons de plus en plus sur le territoire de la faune sauvage, et que cette dernière est amenée à s'adapter, ou à disparaître. Cela vaut notamment pour la fouine, mais aussi pour les renards, Maître Goupil étant de plus en plus présent à l'orée de nos faubourgs et banlieues, voire quasiment citadin dans de nombreuses grandes villes européennes, notamment anglaises.
 
Apte à grimper et se faufiler partout, de surcroît avec une incroyable aisance, la fouine se nourrit essentiellement de rongeurs (rats, mulots, campagnols, souris), mais aussi d'oiseaux et de leurs œufs. En campagne elle peut toutefois s'en prendre au petit gibier, lapins par exemple, ainsi qu'aux volailles domestiques, ce qui lui vaut d'être réputée "sanguinaire", et surtout classée nuisible, d'où la mise à mal de l'espèce, par le tir, le piège, et le poison.
 
Le lendemain la bête est revenue, et comme la veille j'ai pu l'observer sur une petite centaine de mètres, avant qu'elle n'atteigne le même muret, et ne franchisse la même grille, pour sans doute regagner son fief, ou chasser dans les nombreuses zones privatives (jardins, arrière-cours, parkings) très souvent masqués par les constructions.
 
Pour conclure, sachez que la bête (ou une de ses consoeurs !), m'a offert un ultime et sublime cadeau, en se profilant l'espace d'un instant sur le faîtage d'un toit, et ce quasiment sur fond de lune. C'était lors de ma dernière "nuitée" au "pays des manchots" ....et 20 ans sont depuis passés !
 
 
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