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(Lampyris noctiluca)
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- Le coin des
(très) curieux !
Comment ça marche ?
... that is the question !
Au fil de la page
précédente, on a découvert les
étonnantes propriétés des tentacules
"pygopodiens", à commencer par leur faculté à
"disparaître" sur l'instant (et donc se rétracter
à la demande), ou au contraire à saillir et
s'épanouir d'un jet pour mieux épouser le sujet ...
et s'y coller ! Sur plaque de verre tenue verticalement on a pu
voir la puissance de l'accroche, et sur plaque horizontale,
l'aisance et la régularité du déplacement
illustrent parfaitement le caractère modulable de cette
accroche, et surtout l'instantanéité des prises et
déprises sur le support.
La vidéo "gant de toilette" a par
ailleurs permis d'apprécier des propriétés
non moins étonnantes. Les nombreux tentacules peuvent en
effet se réunir ou se mouvoir indépendamment, comme
les doigts de la main. Il s'ensuit de véritables pinces, y
compris de précision, le nettoyage de
l'extrémité d'une patte en témoignant
parfaitement. D'autre part la puissance du dispositif est non
moins parfaitement démontrée par l'arrachage en
force de mucus desséché, et pour finir vous noterez
la faculté de se dessaisir sur l'instant des salissures les
plus diverses, fussent-elles collantes, visqueuses, poisseuses ...
et j'en passe !
Dans la mesure où les propriétés
adhésives de ces tentacules ne doivent rien à des
ventouses ( du moins visibles et classiques ! ), et qu'une
sécrétion me semble difficilement compatible avec la
diversité des mises en oeuvres, la nécessité
d'approfondir s'est très vite imposée afin d'essayer
de comprendre
"comment ça marche" !
-
- .... et un
début de réponse !
Ces peu banales tentacules ne cessant de
m'occuper l'esprit, je suis finalement parvenu à "faire
avancer le schmilblick", et même d'un grand pas... de ver
luisant s'entend ! En effet, en usant du classique objectif
inversé en guise de bonnette, et en poussant mon petit TZ30
dans ses ultimes retranchements, j'ai pu percevoir des zones
faiblement rembrunies, et donc potentiellement
structurées.
Ayant conscience de "tenir le bon bout",
il aura suffi d'une préparation microscopique
glycérinée pour constater, dans un premier temps, la
présence de nombreux alignements réguliers
transversaux, et cela sur chaque tentacule. Manifestement
chitinisés, et au nombre d'une trentaine, ces alignements
occupent la partie terminale desdits tentacules, et leur taille
décroît progressivement jusqu'à totale
disparition.
Dans un second temps, et cette fois à plus fort
grossissement, l'organisation des diverses structures est devenue
perceptible, à commencer par les fortes "griffes"
latérales, éléments majeurs du dispositif.
Vous remarquerez qu'elles sont toutes orientées vers
l'arrière, d'où le rôle de crampons quand la
larve a besoin de se stabiliser, et donc de se
"cramponner"
! Elles se font également grattoirs, et travaillent
à la traction quand la bestiole se toilette, ou est
amenée à carrément se "décrasser". En
pareil cas l'orientation des griffes est doublement fonctionnelle,
car une simple friction "à rebours" permet le
décrochage et l'abandon des salissures retirées,
comme cela s'observe sur la vidéo.
J'ajouterais qu'une dissection spécifique,
compilée au microscope, puis photographiée pour
comptage, a permis de dénombrer plus de 130 tentacules, ou
plus exactement grattoirs, car des cas de dichotomies apicales
sont fortement pressentis. Ce chiffre, très
conséquent a de quoi surprendre, car sur le vif les
tentacules apparaissent beaucoup moins nombreux. Comme vous le
verrez ultérieurement, cela tient au fait qu'ils ne sont
pas tous mis en uvre simultanément, mais aussi aux
fréquentes coalescences observables sur tentacules en
action, sans oublier les dichotomies apicales, loin d'être
rares, effectivement observables à fort
grossissement.
-
.............
.
................
- à gauche: moyennant
l'astuce ci-dessus mentionnée, cette prise de vue a permis
de très nettement deviner ... "quelque chose" !
au centre: illustration des
premières "accroches" observées en microscopie
optique; à droite: mise en évidence de la
bordure griffue des "grattoirs" (re-merci à cet APN qui m'a
permis d'obtenir des photos exploitables, via un très
basique microscope nullement conçu à cet
effet).
-
.................
.
- à gauche: en attendant
mieux (et avec réserves eu égard aux
modalités de préparation et d'observation), ce
très simpliste schéma s'efforce d'illustrer la
"boîte à outils" des tentacules. Vous noterez la
décroissance progressive des structures chitinisées,
et surtout les 2 principales composantes que sont les fortes
denticulations latérales, et les sortes de palmures
centrales. Les tentacules étant dotées d'une
certaine élasticité, leur rétraction ou leur
allongement tend à rapprocher ces diverses structures, ou
au contraire les écarter les unes des autres; à
droite: via le démembrement de la totalité du
"matos" d'une même larve, suivi d'une compile
réalisée en microscopie, plus de 130 tentacules ont
été recensés !
Pour efficaces qu'elles soient, ces griffes sont à
l'évidence inopérantes sur une surface parfaitement
lisse et propre, et pourtant les bestioles "tiennent"
aisément sur une vitre verticale ... d'où une
nouvelle interrogation ! ... et une probable explication ! Je
pense en effet que ces tentacules sont également
dotés de propriétés leur permettant
d'adhérer sans véritablement coller, et cela
à volonté ... tels les post-it !
La puissance de l' "accroche" est bien sûr fonction des
besoins, mais elle est aussi déterminée par la
nature du support, et non moins logiquement par le nombre et la
surface des tentacules entrant à son contact. Reste
à déterminer la nature même de ces tentacules,
mais c'est là une autre histoire ( purement scientifique en
l'occurrence ! ). Je peux seulement dire que leur aspect, leur
coloration, et leur semi-translucidité (voir ci-dessous)
évoquent un côté "gélatineux", mais
c'est là pure hypothèse ... et la suite le
confirmera. !
-

- Les propriétés
adhésives des tentacules sont mises à
contribution,
- là où les
"griffes" sont inopérantes, comme sur cette plaque de verre
tenue verticalement.
-
- Les
dissections ... passage obligé !
-
- Arrivant à un âge où le fait de "sucrer
les fraises" est monnaie courante, j'ai la chance d'avoir
conservé le parfait "coup de patte" de mes années
fac professionnelles, d'où la réalisation de
microdissections et préparations loin d'être
évidentes. Bien entendu la difficulté des prises de
vues est à la mesure de l'extrême petitesse des
organes observés (de l'ordre du millimètre), mais
aussi de leur totale et impérative immersion en liquide
conservateur. Il s'ensuit un résultat quelque peu
frustrant, mais néanmoins très honorable, car je
suis loin d'être équipé "pro" et
l'expérience ne peut totalement compenser.
Compte tenu de la difficulté de mettre en
évidence des structures particulièrement petites et
fragiles, les plus gros individus ont été
logiquement préférés. Par voie de
conséquence les larves mâles, naturellement petites,
se sont vues de facto écartées au profit de
larves femelles parvenues à l'avant dernier stade de leur
développement, ou au dernier, et donc au 6e. En pareil cas,
les corps gras et les innombrables oeufs en formation sont loin
d'être un atout, mais entre deux maux j'ai bien sûr
choisi le moindre ... proverbe et bon sens obligent !
Réalisée ventralement une dissection
préliminaire (ci-dessous à gauche) a permis
d'observer l'étroite juxtaposition des tentacules, et leur
parfait alignement, mais aussi leur surprenante orientation
puisque les apex sont dirigés vers l'arrière. La
même "bizarrerie" s'observe également en vue dorsale,
mais comme la suite en témoigne, la comparaison
s'arrête là.
Premières
dissections !
..............
..............
- ... et premières
constatations !
- à gauche: cette
microdissection ventrale permet de voir les tentacules
parfaitement rangés. Sur la vue recadrée vous
remarquerez leur parfait alignement, et surtout que les parties
les plus larges des grattoirs (correspondant à l'apex des
tentacules) se situent à l'arrière; au
centre: sur cette autre dissection, cette fois dorsale et
nettement plus élaborée, on retrouve les mêmes
tentacules, mais sous la forme de 2 "bouquets" circulaires
contigus, semblant ne faire qu'un en raison de leur accolement.
Autant dire que tout cela ajoute à la complexité du
dispositif, et de son fonctionnement; à droite: il
s'agit de la même dissection, et en regard de la taille de
l'allumette je vous laisse apprécier le côté
"sportif" de ce genre de préparation ( voir la taille des
tentacules sur l'agrandissement ! )
-
- Ayant eu l'incroyable chance de tomber "pile poil" sur une
larve prête à muer (rien ne laissant présager
cette imminence) j'ai pu décoller l'exuvie de
l'extrémité abdominale, avec la surprise d'y
découvrir celles attenantes des tentacules, mais sans
pouvoir de prime abord expliquer le fait, et donc exploiter cette
opportunité. Par contre la tendreté des
téguments nouvellement formés a permis une
dissection "monobloc" particulièrement
révélatrice quant à l'organisation de ces
tentacules. Ils s'avèrent en effet regroupés sous la
forme de 3 bouquets bien individualisés entourant
l'intestin. Deux sont dorsaux et piriformes, et le 3e est bien
sûr ventral et s'apparente à une large frange
monocouche épousant la courbure de l'abdomen, avec
disposition plus ou moins radiale des tentacules. Comme vous le
verrez ultérieurement la régularité de cette
frange est trompeuse.
-
- Un cas exceptionnel
!
.

- Cette très exceptionnelle
dissection a été rendue possible par l'imminence
d'une mue larvaire, et donc par la présence sous-jacente de
téguments facilement "décortiquables", puisque
nouvellement formés, et donc très peu coriaces.
de gauche à droite: 1)- vue dorsale des 2 "bouquets"
de tentacules (in situ leur accolement peut donner
l'impression d'une seule et même "gerbe"). Remarquer les
structures torsadées, et donc hélicoïdales,
prolongeant les tentacules; 2)- la frange ventrale
... avec intestin replié en "S" ! Même remarque
concernant les "torsades", et leur possible rôle dans le
"mécanisme" des sorties et retraits des tentacules; 3)-
et le tout sur allumette pour l'échelle ! 4 &
5)- exuvies des tentacules, associées à celle de
l'extrémité abdominale de la larve;
ci-dessous: ultime vérification ! Toujours la
même frange ventrale, et toujours les mêmes "bouquets"
dorsaux ! ... intestin en prime !
- Dessous !
............
... et dessus !
- .
- Vous noterez que les tentacules ventraux sont nettement plus
courts que les dorsaux. C'est là une hypothèse, mais
je pense que les premiers sont plus adaptés à la
locomotion, d'où leur position ventrale, et les seconds
plutôt dévolus au toilettage. Les bouquets dorsaux
disposent d'ailleurs de prolongations nettement torsadées,
conformation susceptible de générer un effet de
pivot, et d'ainsi faciliter le toilettage en orientant le "gant de
toilette" au mieux des besoins.
Pour finir vous noterez qu'à ce stade de mes
"cogitations", et en dépit d'indéniables
avancées, le mécanisme des sorties et retraits des
tentacules demeure toujours aussi énigmatique. Pour tout
dire j'avoue "sécher grave", et ne pas savoir à quel
chat donner ma langue, car j'ai la très nette impression
que la bestiole est bien la seule à savoir
comment
ça marche ! Tout juste peut-on faire état d'un
très hypothétique rapport avec le mouvement
hélicoïdal induit par les torsades
précitées. Sans grande conviction là encore,
et bien que le "bouquet exuvial" m'interpelle, j'évoquerais
également l'éventualité d'une sorte de
retournement à la manière d'un doigt de gant,
ou des tentacules oculaires de nos limaçons
et
colimaçons !
-
- Autres
préparations, observations, vérifications ... et
solutions !
- Comme la photo (post-mortem) ci-dessous à gauche le
montre, les tentacules ventraux, et donc courts, sont eux aussi
regroupés en "bouquets" (4 en l'occurrence). Cette
particularité était jusqu'alors passée
inaperçue sur les dissections, en raison de l'accolement
très serré des tentacules. Vous remarquerez
également que tous les tentacules, tant dorsaux que
ventraux, dépendent d'une même membrane,
présentement vésiculaire, situation
réciproquement confirmée par le providentiel bouquet
exuvial (ci-dessous à droite) véritable pièce
maîtresse de notre argumentaire.
-

- à gauche:
illustration du regroupement des tentacules ventraux (premier
plan) en "bouquets", et de leur différence de taille avec
les dorsaux;
- à droite: le
"bouquet exuvial". La différence de taille et de situation
des tentacules est là encore évidente, tout comme
l'unicité du support membranaire.
-
- Dès lors l'option "doigt de gant" semble se confirmer,
avec rétraction des bouquets par invagination, et saillie
sur le mode inverse. Comme vous le verrez ci-dessous, ce concept
s'est également vérifié au niveau de chaque
tentacule. Il s'ensuit une étonnante et parfaite analogie
fonctionnelle avec les tentacules oculaires des escargots, et
partant la logique position arrière des apex, initialement
qualifiée de "bizarrerie". D'autre part le bouquet exuvial
(encore lui !) confirme évidemment la chitinisation des
grattoirs, mais aussi celle des tentacules proprement dits,
fut-elle très faible. Si besoin était nous rappelons
que toutes les parties chitinisées d'un insecte muent,
aussi ténues et profondément situées
soient-elles, le système respiratoire trachéen
illustrant parfaitement le propos.
-

- ci-dessus: illustration
de la dévagination sur le modèle des tentacules
oculaires des escargots ... comme ci-dessous
!
- ci-dessous à gauche:
tentacules d'escargots ... pour comparaison
!
- à droite: les
lèvres de la vésicule anale. Allure de ventouse mais
probable adhésivité à minima, par simple
contact.
................

-
-
- Les différences de taille et de positionnement des
tentacules laissent présumer un très probable
fonctionnement à double détente, choisi ou passif.
En d'autres termes une poussée modérée de la
larve pourrait faire saillir les seuls tentacules ventraux, et en
seconde alternative ces tentacules sortiraient d'eux-mêmes
les premiers en raison de leur taille réduite et de leur
proximité de l'ouverture de la vésicule. Dans le
même esprit il est non moins probable que la simple saillie
des lèvres de la vésicule puisse suffire quand
l'adhésivité requise est faible, la totalité
des tentacules étant logiquement mise à contribution
en situation inverse, comme sur la très
démonstrative plaque de verre.
-
- A titre comparatif
!
- Vous noterez que certaines brosses
à vêtements ( au demeurant très efficaces ! )
sont exactement conçues sur le même principe que les
"grattoirs" des larves de lampyres. Les poils de la "gratte" sont
en effet orientés dans le même sens, cela permettant
de collecter ce qui doit l'être (cheveux et poils d'animaux
domestiques par exemple) puis d'éliminer le tout d'un
geste, par simple inversion du sens de brossage. Une fois de plus,
et vous l'aurez compris, nos inventions sont avant tout celles ...
de Dame Nature !
-
-
..............

- à gauche: exemple
de brosse synthétique dite "velours" (le plus souvent
rouge) et détail montrant l'orientation "à sens
unique" de la structure;
- à droite: collecte
dans un sens ... élimination dans l'autre
!
-
- Le mot de la fin
!
- Si besoin était ce cheminement expérimental
témoigne bien de l'intérêt des élevages
sans lesquels il serait impossible d'avancer dans la connaissance
scientifique de notre entomofaune, et plus
généralement des êtres vivants partageant
notre environnement. Présentement bien des interrogations
se sont vues levées, mais à l'évidence la
curieuse bestiole n'a pas dit son dernier mot !
-
- Paléoentomologie
... pour info !

- Mis en vente sur un site en ligne bien
connu, cette présumée larve de "lampyre" incluse
dans l'ambre (Burma, Myanmar, crétacé, 90 à
105 millions d'années) a
été repérée par Michel Henrotay,
paléoentomologiste. Avis confirmé par André
Nel du MNHN de Paris.Vous noterez qu'il s'agit d'un simple avis et
non d'une détermination dans les règles.
-
- En guise de conclusion
....
-
- Je dirais que notre charmant porte
lampion tend à se raréfier pour de multiples
raisons. Autrefois il était fréquent dans nos
jardins, au bord des routes, au revers des fossés, le long
des haies, bref partout où ses proies abondaient. Depuis
l'avènement des insecticides, hélicides, et autres
biocides, son petit lumignon se fait de plus en plus discret. Par
ailleurs, comme tant d'autres insectes, tels les
Orthoptères (sauterelles et criquets notamment), il est
particulièrement vulnérable au girobroyage,
technique dorénavant quasi généralisée
en matière d'entretien des espaces herbacés de
quelque importance en terme de surface. La multiplication
des éclairages en tous genres, publics et privés,
contribuerait également à cette raréfaction,
le lumignon attractif de la bestiole se voyant estompé,
pour ne pas dire neutralisé, par une débauche
lumineuse déjà bien connue pour être
préjudiciable aux lépidoptères
nocturnes.
-
- Pour clore cette conclusion je tiens à
souligner l'ampleur de cette page entomo,
- mais aussi le plaisir que j'ai eu à la
réaliser.
-
- Nota: les tentacules pygopodiens, ci-dessus
présentés, ont fait l'objet d'une publication
:
- A. LEQUET & M. FAUCHEUX -
Rôles et morphologie des tentacules pygopdiens de la larve
de Ver luisant Lampyris noctiluca (Linnaeus,
1767)
- (Coleoptera : Elateroidea :
Lampyridae) Bull. Sc. Nat. Ouest de la France, nouvelle
série, tome 38 (3) 2016.
-
FIN
-
- Le coin des
spécialistes
et même des hyper-spécialistes
!
-
-
les
pages entomologiques d' andré
lequet : http://www.insectes-net.fr