Les extrémités en question correspondaient en effet à des exuvies (= "mues" ! ), dont l'aspect et la position étaient parfaitement identiques à celles des larves "en chair et en os" quotidiennement observées. Désireux d'en savoir plus j'ai renoué avec les dissections de mes très lointaines années fac, et l'assez bluffant résultat permet de voir le fameux stade larvaire surnuméraire in situ. Bien entendu, la petitesse de ces L3, et de leur "logement", laissent augurer qu'il s'agit de futurs mâles.
Vous noterez la notable différence avec une larve normale, d'où un corps mou, boudiné, "blanc" et glabre, hormis la toute extrémité abdominale dont les expansions latérales rappellent celles de la larve initiale. La bête ne s'alimente pas, et reste claquemurée dans sa coquille. En l'absence de pattes fonctionnelles elle peut néanmoins s'y mouvoir aisément, en marche avant ou arrière, par reptation et (ou) ondulations successives. Le déplacement est en effet grandement facilité par la présence, sur les segments abdominaux ventraux, de bourrelets bien différenciés et structurés dont les position et fonction s'apparentent aux "fausses pattes" des chenilles. A cela s'ajoute une sécrétion pouvant se qualifier de "lubrifiante", propre à faciliter le glissement de la bête autour de la columelle du gastéropode.
Bien qu'à mon sens ce stade surnuméraire corresponde à une prénymphe, il semble également constituer une réponse biologique face à des agressions météo estivales (sécheresse, canicule) ou vivrières, les 2 étant souvent liées. Sa survenue au sein d'un élevage "domiciliaire" parfaitement suivi et optimisé ajoute censément à l'incertitude de son statut biologique, "flou" corroboré par la diversité des appellations. Si cet élevage parvient à son terme ( et je m'y emploie ! ), ce statut devrait pouvoir se clarifier ... au moins en partie ! En cette attente la rituelle et sempertinelle question demeure ... vrai diapause ou simple quiescence ?
Enfin, et ce n'est pas le moindre des constats, la très importante différence de taille entre les driles mâles et les femelles résulte de développements larvaires eux-mêmes très différents. La croissance des premiers s'arrête en effet au 3e stade larvaire, là où celle des secondes se poursuit à coup sûr jusqu'au 5e. Il s'ensuit un logique gain de taille et de poids, mais aussi un écart temporel conséquent devant in fine se voir compensé, afin de permettre l'union des sexes. A cet effet, je pense que les mâles devront jouer les "prolongations", sans doute au stade prénymphal, mais cela reste à vérifier ... "cheptel" aidant !
Si tout se passe bien une vraie nymphe devrait succéder ( reste à savoir quand ! ), le statut de mâle étant bien sûr confirmé par la présence de fourreaux alaires savamment qualifiés de "ptérothèques". Non moins logiquement cette nymphe donnera un drile adulte ( et donc apte à se reproduire) .... mais quand là encore !
Concernant la prénymphe décoquillée ci-dessus décrite, le passage en position dorsale (prélude à la nymphose chez de nombreux coléoptères) a été constaté le 23 octobre. Bien que la littérature fasse parfois état d'un étonnant retour à une larve "ordinaire" active, je pense que cette prénymphe donnera logiquement une nymphe (s.str.), puis un insecte adulte ... si tout se passe bien !
Les prénymphes des futurs mâles se formant au terme du 3e stade larvaire, il m'a paru possible de voir celles des femelles prendre elles-mêmes corps à la fin du stade en cours, et donc du 5e. Le gain de taille, ainsi acquis, semble en effet suffisant pour générer l'importante différence de stature des adultes, mais pour l'heure rien n'est sûr, même si la probabilité est grande. Illustrant mon impatience, la larve ci-dessous (extraite de son escargot au terme de son 5e stade larvaire) devrait sous peu mettre fin au dilemme en donnant vie à une prénymphe ... ou à un 6e et ultime stade larvaire, comme les femelles de lampyres.
A la lumière de cet élevage, l'incertitude relative au nombre des stades larvaires précédant la prénymphose est cette fois très clairement levée, à savoir 3 pour les mâles et 5 pour les femelles. Comme en toutes choses il y a fatalement des exceptions, pas forcément "explicables", telle une prénymphose (en cours) observée au 4e stade, et une autre L4 restée en l'état depuis près de 2 mois (en cours également). Quid de leur devenir au prochain épisode !
Pour atrophiées qu'elles soient, les pattes conservent une certaine fonctionnalité, l'extraction lui permettant de très modestement s'exprimer, là où l'exiguïté de l'escargot l'interdisait. Je ne sais si l'extraction est là aussi en cause, mais la "mobilité" de la prénymphe aura été de très courte durée. Dès le lendemain la bête s'est en effet contractée, et immobilisée sur le dos, en adoptant une position typiquement arquée à la manière des nymphes de coléoptères, lesquelles peuvent bouger mais pas se déplacer.
Le dimorphisme du développement !
Outre la dissemblance d'aspect, le dimorphisme sexuel des driles se traduit par une très importante différence de taille. En attendant de pouvoir en juger plus concrètement, la photo ci-dessous préfigure bien l'importance de cette disparité. Tous ces escargots hébergent en effet des larves au stade prénymphal, et donc parvenues au terme de leur croissance.
Quand les exuvies "bouchonnent" !
Contrairement aux larves "actives", dont les exuvies sont en grande partie "boutées" hors de la coquille, et donc toujours très visibles, celles des prénymphes des 2 sexes restent à l'intérieur même desdites coquilles, où elles passent bien sûr totalement inaperçues ( voir le "notez-le" ! ).
Lorsque la larve s'immobilise pour préparer sa mue prénymphale son extrémité abdominale est en effet "scotchée" sur la paroi interne de la coquille, via une sorte de glue élastique blanchâtre et semi-translucide. Il s'ensuit un tassement plus ou moins prononcé de l'exuvie là où l'étirement est au contraire de règle. Expulsées au contact de celle précédemment "scotchée", les exuvies nymphale et imaginale vont successivement s'y entasser, voire plus ou moins s'y imbriquer, d'où la formation d'un bouchon à juste titre qualifié de protecteur CQFD !
Emise par la ventouse, ou générée par l'intestin, cette sorte de "colle" tend à se dessécher au fil du temps, tout en perdant plus ou moins ses propriétés adhésives et sa visibilité, cette dernière impression étant sans doute accentuée par la blancheur des coquilles de Theba pisana.
Bien que l'épaisseur de la coquille génère un flou important, la technique du mire-oeufs s'est avérée là encore instructive, en ce sens qu'elle permet d'aisément différencier la prénymphe, via l'exuvie jouxtante. Plus ou moins compactée et obstructive (voir l'agrandissement) cette dernière constitue le stade initial du "bouchon protecteur" (ci-dessus explicité) des driles adultes en devenir.
Notez-le : La petitesse des mâles, et partant celle des escargots consommés, fait que l'extrémité abdominale de l' exuvie prénymphale est assez souvent plus ou moins visible, et de ce fait piégeuse en raison de l'analogie de forme et posture avec la larve L3 vivante.