Les testacelles sont hermaphrodites ( et possèdent donc les organes propres aux 2 sexes ! ), mode de reproduction fréquent dans le monde animal, mais aussi végétal ( vers de terre, escargots, ou encore ... pommiers, par exemple ! ). Bien qu'il se produise parfois à la surface du sol, l'observation de l'accouplement nécessite une bonne dose de chance et de persévérance, d'autant qu'il se produit la nuit, et que l'horloge interne des bestioles a la précision d'une montre Suisse ! En d'autres termes il est parfaitement inutile de maintenir ces limaces dans le noir, et donc captives, en l'espoir (totalement vain !) de les inciter à copuler. Moralité mieux vaut être insomniaque "grave" .... et de plus être chanceux !
ci-dessous : autre accouplement, non moins inattendu (17 novembre), la petite taille de ces T. maugei (la moitié de celles ci-dessus) m'ayant incliné à les croire immatures. Là encore j'ai presque "raté le coche" mon fidèle TZ30 faisant preuve d'un fâcheux caprice technique au moment crucial. En espérant plus "spectaculaire" illustration, la réciprocité pénienne est par chance nettement perceptible, à droite. Au passage vous noterez la différence de coloration avec le "couple" précédent. Par-delà la variabilité naturelle de l'espèce, la provenance différente a présentement pu jouer.
La littérature s'accorde sur le fait qu'il puisse y avoir plusieurs pontes, numériquement faibles eu égard à la taille importante des ufs, et à la nature de leur coquille. Elle s'accorde également sur une durée moyenne d'incubation de l'ordre de 3 à 5 semaines selon météo. Par contre il est aussi fait état de "différentes périodes de l'année", là où la fin de l'été et ou le début de l'automne prévalent.
Présentement la ponte ayant eu lieu le 24 mai, avec éclosions le 27 août, il s'ensuit un allongement considérable de l'incubation. A priori il est permis d'y voir une logique forme d'estivation, dans la mesure où les proies potentielles des testacelles en devenir sont elles mêmes "en pause". A contrario le développement des pontes survenant en septembre/ octobre serait non moins logiquement plus rapide afin que les très jeunes et fragiles testacelles aient le temps d'amasser les réserves requises en vue de l'hivernage.
Comme les photos ci-dessous le montrent les oeufs sont classiquement ... ovoïdes ! Leur forme est comparable à ceux de la poule (taille en moins est-il besoin de le préciser ! ) et ils sont pareillement dotés d'une coquille calcaire proportionnellement plus épaisse et relativement résistante.
Dure dure la "limacologie" !
Au terme de cette "spéciale" je tiens à souligner le notable manque de "coopération" des testacelles. Outre leur prévalence pour la vie souterraine, et des moeurs nocturnes ne facilitant pas les choses, il faut en effet compter avec une défense passive très efficace consistant à fortement se rétracter et s'arrondir sur le mode hérisson, et cela pour une durée dont les limites ont le don de mettre votre patience à rude épreuve. Ces diverses contingences font que les observations expérimentales à l'air libre s'en trouvent particulièrement problématiques, au point de parfois sembler impossibles. De ce fait les illustrations iconographiques ou vidéographiques ne sont pas sinécure, ce constat valant particulièrement pour le très fugace et peu banal processus d'attaque des lombrics, proies de prédilection des testacelles.
Lors d'une visite chez mon fils j'ai eu le plaisir de classiquement trouver 3 testacelles (dont une "jeunette" ! ) sous une jardinière en contact direct avec le sol. En fait ce plaisir s'est surtout mué en réelle surprise car l'hiver météorologique et calendaire étaient pourtant bien loin d'avoir dits leur dernier mot. De fait, nous étions seulement le 10 février (2024), et de toute évidence la fameuse jardinière avait été soulevée par simple habitude (voire quasi réflexe ! ) plus que par conviction. Cela dit les vers de terre eux-mêmes "tortillonnaient " déjà à tout-va ... ceci expliquant sans doute cela !
Bizarre ... vous avez dit bizarre !
Alors que le fait n'avait jamais été observé en 2023 lors de mes prises estivales ou automnales (relativement nombreuses) tous les exemplaires trouvés en ce début d'année 2024 (février) m'ont gratifié d'une abondante sécrétion de mucus. De prime abord assez comparable à celui des escargots, ce mucus est toutefois nettement moins épais et gluant, tout en étant plus aéré, voire "aérien" A l'évidence très abondant il se présente en effet sous la forme d'une multitude de bulles, de toutes formes et tailles, émanant manifestement de glandes "mucipares" localisées sous la partie antérieure de la coquille.
A l'image des escargots la logique voudrait que ce mucus puisse à la demande lubrifier ou coller et à l'occasion se muer en moyen défensif, mais son apparente "saisonnalité" interroge sur sa raison d'être ... d'où mon appel aux spécialistes es-mucus ! Cela étant je pense que cette sécrétion pourrait bien être à l'origine des pseudo-cocons parfois mentionnés dans la littérature. Ils permettraient aux testacelles d'hiverner, ou au contraire d'estiver, tout en bénéficiant d'une protection à la fois mécanique, thermique, et hygrométrique, ces animaux étant évidemment très sensibles aux facteurs climatiques ou simplement météorologiques. Bien entendu j'espère pouvoir illustrer ces énigmatiques "cocons".
Pour qui connaît les moeurs souterraines de ces drôles de limaces il était totalement inimaginable de pouvoir observer la bête à pondre en mode hors sol ! A l'image de la formule consacrée les oeufs présentés sont pourtant "du jour" .... et plus exactement de la nuit ! Vous l'aurez compris cette dernière a été aussi "blanche" que le sont les oeufs ... mais à coup sûr cela en valait la peine !
L'anormalité de cette ponte donne à penser qu'elle était sans doute prête à être émise (encore que ce soit très tôt en regard de la norme ! ), mais aussi que le stress a pu faire son oeuvre, la bête ayant été délogée de sa retraite le jour même (dessous d'une grosse pierre de granit). Vous noterez que les oeufs sont lentement expulsés un à un, par l'orifice génital situé sur le côté droit du cou, et que la ponte (une dizaine d'oeufs en moyenne) demande plusieures heures.
Remontée à la surface de son "terrarium" cette grosse testacelle s'est prise, le temps d'une semaine, pour une sorte de baudruche. La littérature semblant muette sur cette "bizarrerie". je m'interroge sur ses raisons, ses modalités, et le cas échéant sur sa finalité. La bête étant morte semble-t-il prématurément, a priori d'épuisement, je pense que le processus n'a pu aller à son terme. Bien entendu je suis preneur de toute info sur cet étrange et spectaculaire gonflement.
En guise de conclusion !
Sauf à être initié, la discrétion comportementale et numérique des testacelles, ainsi que leur ressemblance avec les limaces "véganes", font qu'elles passent le plus souvent inaperçues. Quand elles fréquentent nos parterres et potagers elles s'y trouvent à la merci de la botte ou du sabot du jardinier, et finissent bien souvent froidement écrabouillées, telles de vulgaires limaces qu'elles ne sont pas !