Intro ! Beaucoup d'insectes n'ont pas de nom commun, mais le Pyrrhocoris apterus ( ci-contre ! ) les cumule ... et même les accumule ! "Gendarme", "Suisse", "Soldat", "Punaise rouge", "Cherche-midi", tels sont les noms vernaculaires les plus couramment utilisés pour désigner le Pyrrhocore, autrement dit la "punaise au corps de feu".
La liste n'est pas exhaustive, et ces dénominations, plus ou moins régionales, témoignent de la vaste répartition de l'insecte. Elles témoignent également de son caractère peu farouche, et d'un côté "m'as-tu vu" inhérent à sa parure et au fait qu'il vit en "colonies", ces dernières affectionnant de surcroît les abords et murs ensoleillés de nos demeures, y compris urbaines à l'occasion. Enfin, est-il besoin de le préciser, l' "uniforme" de la bestiole, et ses moeurs, ne sont pas étrangers à ces appellations.
Présentation !
Entomologiquement parlant le Pyrrhocore (10 à12 mm à l'état adulte) est un Hémiptère, et plus précisément un Hétéroptère, autrement dit une "Punaise". Ce type d'insecte est caractérisé par la présence d'élytres dotés d'une partie antérieure cornée (la "corie"), et d'une partie postérieure dénommée "membrane" en raison de sa minceur. Tous ces insectes sont dits piqueurs-suceurs, et donc dotés d'un rostre conformé à cet effet.
Vous noterez qu'il existe de très nombreuses espèces de punaises (environ 2000 pour la faune française), les unes terrestres comme notre "Gendarme", et les autres aquatiques comme les Nèpes et Ranatres,(cf. pages entomo dédiées), ou encore les Notonectes et Naucores. La grande majorité d'entre elles se nourrit de la sève des végétaux, mais certaines sont connues pour être carnassières et s'attaquer par exemple à d'autres insectes, ou encore à des araignées. Il en est également pour s'en prendre aux oiseaux, ou encore aux mammifères, voire à l'homme comme la Cimex lectularius, c.a.d. la punaise des lits (cf. page entomo ! ). Juste retour des choses (si l'on peut dire !), les grandes espèces exotiques comme les Bélostomes sont fréquemment consommées par les populations locales (cf. page "entomophagie").
Au pays des punaises le "gendarme" se singularise à plus d'un titre, à commencer par son "uniforme". Sa coloration, dite aposématique, a en effet valeur d'avertissement à l'encontre des prédateurs, tous les insectes vêtus de rouge et noir étant réputés immangeables en raison de leur âcreté, voire carrément toxiques. Dans le même ordre d'idée l'association du noir et du jaune (à l'image des guêpes et frelons) est synonyme de danger, y compris pour nous, puisque l'alternance de ces couleurs est de règle en signalétique (travaux publics, industries, etc ...).
Les "gendarmes" sont grégaires et à ce titre vivent en colonies, pouvant se qualifier de "gendarmeries", et compter plusieurs centaines (voire milliers ! ) d'individus. Compte tenu de leur immunité chromatique ces insectes ne cherchent pas à se dissimuler, et ont même une propension très marquée pour les bains de soleil collectifs, d'où le nom de "cherche-midi". Etant déjà bien dotés au plan défensif les gendarmes sont totalement dépourvus de la fameuse "odeur de punaise", l' "arme fatale" des cellules olfactives, mais aussi gustatives ... et je parle d'expérience !
Les Pyrrhocores s'observent très souvent au pied des arbres, et notamment des tilleuls, car les fruits de ces derniers sont particulièrement appréciés. Il faut cependant se garder de généraliser, car ces insectes sont à la fois plus éclectiques en terme de nourriture et d'habitat. Ils apprécient par exemple les Malvacées, à commencer par les roses trémières du jardin, et plus encore quand elles s'épanouissent le long d'un mur bien ensoleillé. S'y ajoutent de menues bestioles et "vermisseaux", et à l'occasion des insectes morts ou mal en point. En terme d'habitat l'exposition prévaut et de populeuses gendarmeries peuvent se développer au pied de nos murs, murets, escaliers extérieurs ... pour peu que les insecticides en tous genres restent au placard.
A titre d'exemple, et là j'avoue une certaine surprise, j'ai pu observer une très importante colonie installée dans les graviers protégeant la base d'un mur récemment crépi. Longeant la bordure de gravillons une allée de terre dénudée ajoutait encore au côté pour le moins "spartiate" du biotope, tout en donnant accès à une zone à la végétation rase et très clairsemée où les insectes trouvaient semble-t-il leur subsistance. C'était précisément dans la dernière décade de Juin, et tout à la fois on pouvait observer des adultes, des accouplements, des larves âgées, et des individus venant de faire leur mue imaginale.
Au final il s'ensuit un long stylet faussement monobloc, le plus souvent extrêmement fin et ultra performant. Il conjugue en effet rigidité et dureté pour pouvoir perforer, mais au besoin il sait se faire étonnamment souple, et j'ai été pour le moins surpris de voir son extrémité littéralement fureter et chercher provende dans le crâne d'une sauterelle... à découvrir en vidéo !
Quand le déjeuner s'avère peu facile à perforer ( insecte ou fruit du tilleul desséché par exemple) la moitié antérieure de la gaine fait office de guide au début du forage, "astuce" permettant d'augmenter la pression sur le "foret", tout en réduisant sa flexion, et donc les risques de casse. Durant cette phase la partie postérieure de la gaine se replie en "V", et joue les accordéons au gré des efforts de la bête pour enfoncer son stylet. Quand le forage est suffisamment avancé, et le risque de casse écarté, la gaine est le plus souvent escamotée ventralement, en position de rangement. A la fin du "repas" le stylet est bien sûr retiré, et en l'espace d'un instant très adroitement nettoyé et rengainé à l'aide des pattes antérieures.
Pas banal ! Dérangé alors qu'il était attablé sur un fruit de tilleul, un gendarme est venu crapahuter sur l'ongle de mon pouce, stylet sorti, avant de s'attaquer à la base de la lunule, zone a priori plus "tendre" Passablement étonné, j'ai laissé faire "pour voir" ... et j'ai vu ! A vrai dire j'ai surtout ressenti ... et donc interrompu illico l'expérience ! La douleur est en effet bien réelle car contrairement à la punaise des lits il n'y a pas injection d'un anesthésiant local. Bien entendu ces insectes ne sont pas programmés pour s'en prendre aux humains, mais la bestiole avait manifestement un "p'tit creux" à combler ( et même un gros ! ) ... et mon pouce s'est trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment ! Vidéo à l'appui, le stylet est arrivé à ses fins en 30 secondes ! Dernière précision, l'ongle est constitué de kératine (protéine) et la carapace des insectes de chitine (glucides), mais lequel de ces 2 matériaux est le plus dur ... si tant est qu'ils soient comparables !
Il est peu marqué ... mais il est ! Les femelles sont en principe un peu plus grosses et plus larges, mais il faut se garder de généraliser car au pays des pyrrhocores petites femelles et grands mâles sont loin d'être exceptionnels, d'où des "tandems" prêtant aisément à confusion. Par contre un oeil exercé, a tôt fait de sexer la bestiole à la seule vue des extrémités abdominales, la distinction étant bien sûr possible ventralement ( plaques génitales obligent ! ), mais aussi dorsalement en raison de la brièveté des élytres.
Comme vous le verrez ci-dessous, les derniers segments abdominaux dorsaux ( = tergites ! ) de la femelle sont plus ou moins égaux, et une seule bordure jaune est visible sur leurs homologues ventraux ( = sternites). Chez le mâle le dernier segment dorsal est au contraire très développé (en forme de langue) et ventralement 2 bordures jaunes sont nettement visibles sur les 2 derniers sternites.