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L'ERGATE FORGERON (Ergates faber) !
(Coléoptère Cerambycidae)
 
(page 3 sur 3)
 
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L'oeuf
 
Je n'y comptais plus vraiment, mais les oeufs de l'Ergates sont bien là, même s'il convient de relativiser la notion de ponte, tant la bestiole s'est montrée parcimonieuse. Elle ne manquait pourtant de rien, du moins à mes yeux, car elle était comme il se doit logée-nourrie à convenance ... de plus en fort galante compagnie ! .... et le tout gratis !
 
Bien entendu le chiffrage de la ponte, même approximatif, s'en est trouvé impossible ... du moins avant autopsie ! Vous l'aurez compris, ma "forgeronne" est finalement passée de vie à trépas sans crier gare, peut-être en raison de pesticides résiduels sur des fruits donnés non pelés ... mea culpa, si tel est bien le cas ! Toujours est-il que plus de 150 oeufs bien formés ont été extraits des ovaires, certains étant même en partie pigmentés. Le cliché ci-dessous à droite montre une partie de ces oeufs quasi "prêts à pondre".
 
Ergates: oeuf avec "allumette-échelle" Ergates: détail d'un oeuf Ergates: oeufs Ergates: exemple d'oeufs ...non pondus
Je n'y comptais plus vraiment ... mais ils sont là !
Sur l'agrandissement du gros plan vous découvrirez la peu banale ornementation de l'oeuf d'Ergates.
Le texte vous en dira plus, y compris sur l'origine du cliché le plus à droite !
 
Par ailleurs j'attire votre attention sur la surface de ces oeufs, étonnamment structurée en "nid-d'abeilles" (ci-dessus en gros plan). C'est à coup sûr très exceptionnel, car les coléoptères sont connus pour avoir des oeufs dépourvus d'ornementations, ces dernières étant par contre très fréquentes chez d'autres insectes, tels les papillons.
 
J'ignore si cette curieuse structure a sa raison d'être, mais je suis tenté d'y voir une relation avec les modalités de la ponte chez l'Ergate. De fait, là où d'autres grands capricornes (Aegosome et Cerambyx par exemple) s'appliquent à insérer leurs oeufs dans les interstices, fissures, et autres anfractuosités du bois ou de l'écorce, notre "forgeron" opère très différemment. Partisan du moindre effort, si je puis dire, il se contente en effet de "déposer-coller" ses oeufs à la surface du bois nourricier, et cela n'importe où ... limite n'importe comment !.
 
Cette apparente "désinvolture" peut expliquer la très inhabituelle coloration noire de ces oeufs, censément moins voyante et détectable que le classique blanc-ivoire. Le désordonné de la ponte peut également favoriser la déshydratation des oeufs ainsi exposés, d'où ( peut-être ! ) la structure réticulaire de leur surface. Cette dernière me semble en effet de nature à pouvoir compenser la perte hydrique, en piègeant l'humidité ambiante, tels les fameux "filets à nuages", captant l'eau dans les régions subdésertiques du Chili et du Pérou.
 
La larve
 
Bien qu'elle puisse occasionnellement se développer dans les sapins, notamment au sud de l'Europe, c'est avant tout une adepte des pinèdes où elle gîte dans les souches et troncs plus ou moins pourrissants. Suivant les régions, et les qualités nutritives du bois à sa disposition, 3 à 4 ans sont nécessaires à son développement.
 
Arrivée en phase terminale, si je puis dire, la larve prépare la sortie de l'adulte qu'elle deviendra, en creusant une galerie venant affleurant la surface du bois, puis elle se retire dans une logette dite nymphale, en l'attente de la métamorphose qui intervient généralement au début de l'été,
 
 
larves d'Ergates (tout venant) larves d'Ergates à terme larve d'Ergates faber, au maxi de la taille larve d'Ergate "in situ"
de gauche à droite: 1)- tout venant d'un même tronc, montrant que plusieurs générations peuvent s'y succéder, si le volume et la qualité du bois le permettent; 2 & 3)- ensemble et détail de larves au maxi de leur développement; 4)- loge nymphale montrant le pré-forage du trou de sortie du futur adulte.
 
 
larve d'Ergate "in natura" (photo 1) larve d'Ergate "in natura" (photo 2) larve d'Ergate "in natura" (photo 3)
grosses larves "in natura" (Ft de la Coubre, Royan, dpt 17)
 
 
larve d'Ergates, détail de la tête (photo1) larve d'Ergates, détail de la tête (photo2)
détail de la tête: vues dorsale (à gauche) et ventrale
 
La mue larvaire !
 
Ce n'est pas spectaculaire, mais c'est rare, en ce sens qu'il faut beaucoup de chance pour tomber pile poil sur ce petit "évènement" qui se traduit par l'abandon de la dépouille larvaire devenue trop étroite, au profit d'une enveloppe toute neuve et plus spacieuse. Présentement c'était chose faite, mais depuis fort peu de temps, eu égard à la très faible pigmentation de la "tête".
 
 
larve d'Ergate venant de muer (photo 1) larve d'Ergate venant de muer (photo 2) larve d'Ergate venant de muer, détail de la tête (photo 1) larve d'Ergate venant de muer, détail de la tête (photo 2)
larve venant de muer, en train d'acquérir la pigmentation et la sclérification (durcissement) des pièces chitinisées de l'appareil buccal,
et notamment des mandibules (à comparer avec les 2 précédentes photos).
 
 
La nymphe
 
La nymphe est l'équivalent de la chrysalide chez les papillons, mais contrairement à cette dernière elle préfigure très nettement ce que sera l'adulte, y compris le sexe, ce qui est particulièrement flagrant dans le cas présent, compte tenu d'un dimorphisme antennaire très prononcé. Au fur et à mesure de sa maturation la nymphe va se pigmenter, avec une accélération marquée à l'approche de la mue imaginale, c'est-à-dire du passage à l'état adulte. La durée de la phase nymphale est en partie tributaire de la température, mais elle reste brève, de l'ordre de 3 à 4 semaines.
 
 
nymphe d'Ergate femelle (en loge) nymphe d'Ergate femelle (en main) nymphe d'Ergate femelle (isolée)
Nymphe de "forgeronne" tout juste formée ( en loge, telle que découverte, et extraite)
.A manipuler avec précautions .... et sans excès !
 
 
nymphe d'Ergate mâle (en loge) nymphe d'Ergate mâle, en main (photo 1) nymphe d'Ergate mâle, en main (photo 2) nymphe d'Ergate mâle (isolée)
.... et la nymphe de l' Ergate mâle, là aussi "in situ", et extraite.
Remarquer le début de la pigmentation , par rapport à la nymphe "fraîche" trouvée en loge.
 
 
on prend les mêmes .... nympes d'Ergates ("couple") nymphe "fraîche" d'Ergate, détail .... et on recommence !
à gauche: "couple" de nymphes, femelle en haut. Comparer la différence de pigmentation entre la nymphe femelle venant de se former, et un mâle à peine plus vieux, la pigmentation oculaire étant encore nulle. à droite: ce cliché pourrait s'intituler "pleine de rien" car il permet de bien mettre en évidence l'aspect diaphane et quasi immatériel d'une nymphe venant de se former.
 
 
La mue imaginale
 
Elle représente la véritable "naissance" de l'insecte, et en l'occurrence de l'Ergate, à l'instar du papillon émergeant de sa chrysalide, ou de la mouche quittant son puparium.. C'est toujours une phase délicate, aboutissement d'un profond remaniement interne, et son observation m'a toujours laissé l'impression d'assister à un véritable accouchement, tant les efforts de la bête sont patents, et ne peuvent indifférer, à telle enseigne qu'on aimerait pouvoir l'aider.
 
De fait, s'extraire de la vieille dépouille n'est pas rien, car tout ce qui est chitinisé mue, y compris les ramifications trachéennes (= respiratoires) les plus fines, puisque ces tubulures internes sont formées par l'enroulement, à spires jointives, d'un fil de chitine extrêmement ténu appelé "ténidie". Bien entendu, le bon déroulement de cette ultime mue peut se voir hypothéqué par de multiples contingences, une sécheresse ambiante excessive comptant parmi les plus préjudiciables.
 
 
mue imaginale d'Ergates faber (photo 1) mue imaginale d'Ergates faber (photo 2) mue imaginale d'Ergates faber (photo 3)
 Ergate mâle venant de terminer sa mue "imaginale", autrement dit de passer à l'état adulte
 
 
exuvie imaginale d'Ergates (photo 1) exuvie imaginale d'Ergates (photo 2) exuvie imaginale de cigale (vue interne)
à gauche: exuvie imaginale d'Ergate, telle qu'elle se présente, à savoir plus ou moins "tirebouchonnée" .... comme la chaussette que vous venez de retirer ! au centre: mue imaginale, après "remise en forme", Vous noterez qu'il s'agit d'une mue incomplètement "récupérée", mais les étuis alaires sont bien visibles. A droite: il s'agit de la vue interne d'une mue imaginale de cigale. Les téguments, nettement plus chitinisés, permettent d'apprécier la complexité du "démoulage", mais aussi de voir ce qui reste des plus grosses trachées respiratoires, sous la forme des filaments blancs.
 
La chromatogenèse
 
Il s'agit bien sûr de l'acquisition progressive de la coloration, phénomène physico-chimique allant de pair avec la sclérification de la chitine, et la résorption de la distension abdominale. Chez les insectes parés de couleurs métalliques le processus est beaucoup plus complexe et spectaculaire, et à l'occasion je vous invite à en juger, en admirant l'extraordinaire "chromato" du "croesus" , un des fleurons de notre faune carabologique (retour via la fonction "page précédente" de votre navigateur).
 
 
chromatogenèse d'Ergates baber (photo 1) chromatogenèse d'Ergates baber (photo 2) chromatogenèse d'Ergates baber (photo 3) chromatogenèse d'Ergates baber (photo 4)
à gauche: le spécimen illustrant la mue imaginale, mais là en loge. A l'arrière de la bestiole vous remarquerez l'enveloppe nymphale précédemment décrite comme "tirebouchonnée" et abandonnée  comme une vieille chaussette. A suivre: vous noterez la progression du processus de pigmentation et de sclérification (= durcissement de la chitine constituant la carapace). Entre la première et la dernière image 48 heures se sont écoulées, mais c'est là une simple indication, la durée du processus étant tributaire de la température. En d'autres termes un laps de temps de l'ordre de la semaine pourrait être nécessaire pour arriver au même résultat , si les conditions étaient moins favorables.
 
  
En guise de conclusion ....
 
A en croire les Chinois, tout ce qui vole se mange .... sauf les avions!
... et tout ce qui a 4 pieds se mange également ... sauf la table et les chaises!
 
L'étal est à l'évidence bien achalandé, mais cependant incomplètement garni, car les larves de l'Ergate (entre autres!) faisaient les délices des gourmets de la Rome des Césars .... sans parler de "Koh Lanta", et de ses peu ragoûtants "vers des cocotiers" !
 
Au travers d'extraits de ses "Souvenirs entomologiques", Jean-Henri Fabre (1823-1915), le chantre de l'entomologie, nous convie à la table familiale, et à une peu banale grillade de brochettes de larves d'Ergates .... "avec juste une pincée de sel, afin de n'en point dénaturer la saveur".
 
"Le témoignage est unanime. Le rôti est juteux, souple et de haut goût. On lui reconnaît certaine saveur d'amandes grillées que relève un vague arôme de vanille. En somme le mets vermiculaire est trouvé très acceptable; on pourrait même dire excellent. Que serait-ce si l'art raffiné des gourmets antiques avaient cuisiné la chose" .
 
Pour finir, et toujours d'après le "compte-rendu" de J-H. Fabre, sachez que la peau laisse à désirer tant elle est coriace, que la chatte et les 2 chiens de la maison ont déclaré forfait .... et dès lors vous comprendrez que je puisse préférer .... un steak - frites !
 
 
FIN
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr