Sortie de nulle part, une femelle de ce papillon a eu l'outrecuidance de venir se pavaner sous mon nez, et de carrément me narguer en pondant tous azimuts sur une suspension de pélargonium chère à ma femme ! Devant ce quasi crime de lèse-majesté, et bien que la saison soit passablement avancée ( mi-septembre ! ), je me devais de laver l'affront, et partant de relever le défi via une "page entomo" ... sauce perso, comme d'hab !
Présentation !
Au plan zoologique Cacyreus marshalli, alias le "Brun" pour faire simple (2), relève des Lycénidés, Famille de petits papillons diurnes (bleus, cuivrés, bruns, selon l'espèce ou le sexe) représentée en France par plus d'une centaine d'espèces. Là où bon nombre d'entre-elles se ressemblent beaucoup, l'intrus se distingue aisément de l'ensemble par le graphisme du revers des ailes à nul autre pareil, cela valant également pour les 2 espèces portant des "queues", à l'image du "Brun". Pour info, il s'agit de l' "argus de la luzerne" (Leptotes pirithous) et du bien nommé "argus porte-queues" (Lampides boeticus). .......... (2) au gré des auteurs ce papillon multiplie les appellations : "lycène de Mashall", "argus de Marshall", lycène des géraniums, argus des géraniums ... entre autres !
Par-delà ses aptitudes au vol, et une discrétion à la mesure de sa "ternitude" et de sa petitesse (25 mm d'envergure), la propagation de ce papillon est grandement facilitée par les fleurissements publics et privés, notamment urbains. En effet la part belle y est classiquement faite aux très florifères et décoratifs pélargoniums ... et donc à la plante nourricière du "Brun" ! A cela s'ajoutent les jardineries, bourses aux plantes, et autres lieux dévolus à la vente ou l'échange, lesquels contribuent évidemment à la dissémination du parasite.
Pour faire bonne mesure vous noterez la brièveté du cycle de ce papillon, de l'ordre du mois et demi en moyenne, d'où la possibilité de 3 générations annuelles sur notre sol, pouvant se muer en "non stop" sous d'autres cieux. Vous noterez également le caractère endophyte de la jeune chenille, ce qui la protège des insecticides, d'autant que l'étalement des générations impose un suivi trop contraignant ... pour être parfaitement suivi ! Dès lors vous comprendrez que l'indésirable bestiole puisse se bien porter, et même très bien, d'où des dégâts pouvant s'avérer importants au niveau des boutons floraux, au point de compromettre la floraison des jardinières, balconnières, et plus modestes "potées"
Concernant le dimorphisme de ces papillons, j'ai envie de dire "ceux qui pondent sont des femelles", tant la distinction des sexes est peu évidente, pour ne pas dire impossible, cela valant même en phase d'accouplement.. Certes, les femelles des papillons sont généralement un peu plus grandes, souvent plus claires, et dotées d'une bedaine plus généreuse eu égard aux oeufs, mais il y a aussi des grands mâles et des petites femelles, la coloration étant elle-même susceptible de varier selon les individus ou leur état de fraicheur. Bien entendu les extrémités abdominales permettent comme toujours de lever toute ambiguïté, mais leur évidente petitesse les rend présentement peu "parlantes" sur le vif , pour ne pas dire muettes ... d'où leur présentation post-mortem !
La ponte !
Localisation classique ... ou pas !
Est-il besoin de le préciser, elle fait toujours suite à l'accouplement ! Blancs, sphériques, légèrement aplatis, joliment gaufrés, "scotchés" au support, et d'une taille très inférieure au millimètre, tels se présentent les oeufs du "Brun". Au nombre d'une cinquantaine ils sont presque toujours pondus sur les boutons floraux des nombreuses variétés de pélargoniums.
Quand la table est bien servie en regard du nombre des convives, les boutons floraux reçoivent le plus souvent un seul oeuf, le but évident étant d'assurer le bon développement de la chenille, en lui réservant un "garde-manger" copieusement garni. Un tel comportement, au demeurant assez classique, laisse supposer la présence d'une phéromone "anti concurrence", du genre "passez votre chemin la place est déjà prise".
Lorsque les boutons floraux sont en quelque sorte "archiparasités", ou qu'en fin de saison ils tendent à se raréfier, le papillon n'a d'autre choix que celui de pondre sur le feuillage. Comme vous le verrez Dame Nature a tout prévu, et ça marche plutôt bien (voire trop bien pour les jardiniers), car là encore les chenilles savent parfaitement ... se "faire oublier" !
Vous noterez que dans le langage populaire les "géraniums" sont le plus souvent des pélargoniums, cela valant également pour les "géraniums-lierre", et peu importe qu'ils soient simples, doubles, retombants, droits ou autre ... tous font ventre ! Pour l'heure il semblerait que les vrais géraniums ne soient pas du goût de la bestiole, mais sait-on jamais ! Il faut en effet compter avec la capacité d'adaptation octroyée à tout ce qui vit par Dame Nature, dotation favorisant censément l'implantation des espèces, en vue de préserver leur survie, voire leur existence.
La chenille !
Localisation classique ... ou pas !
De l'ordre de la semaine, la durée d'incubation des oeufs est logiquement tributaire de la saison, et donc de la température, cela valant également pour le développement des chenilles. Est-il besoin de le préciser, les fonctions physiologiques des insectes se ralentissent avec l'abaissement de la température, et s'accélèrent dans le cas contraire, la régulation des extrêmes conduisant respectivement à l'hivernation, et à l'estivation.
Selon l'expression consacrée en son temps par Fernand Raynaud, l'émergence de la chenillette demande un "certain temps", du fait de la succession des phases d'inactivité ( récupération ? "réflexion" ? ) et de labeur, ces dernières étant mises à profit pour se sustenter. En effet, comme souvent chez les chenilles, le chorion de l'oeuf (= "coquille" ! ) est en partie fréquemment consommé lors de son percement. Par-delà les notions d'actualités que sont le recyclage ou le "zéro déchets" cette pratique permet à la chenille naissante de profiter des richesses nutritives dudit chorion, sorte de "mise en bouche" ... avant de passer aux choses sérieuses !
Au terme de son émergence, et de quelques allers et venues pour se dégourdir et raffermir les pattes, la minuscule bestiole ( guère plus du millimètre ! ) va en effet très vite s'atteler à la tâche, à savoir percer le bouton floral où elle trouvera gîte et couvert à l'abri des regards ... et des insecticides ! Qualifié d'endophyte ce mode de vie assure à l'évidence une protection très importante, laquelle bénéficiera à la chenille durant une bonne partie de son développement.
Quand la taille de la bestiole n'est plus compatible, notamment au 4e et dernier stade larvaire, sa forme, sa faible mobilité, sa coloration, et son ornementation pileuse, lui permettent de se confondre avec les boutons floraux, et d'ainsi passer inaperçue. C'est assez bluffant, au point qu'un oeil averti doive souvent se "concentrer" pour localiser la bête ... et je parle en connaissance de cause !
Quand les chenilles sont en quelque sorte trop nombreuses, en regard des boutons floraux disponibles, elles peuvent s'attaquer aux feuilles, voire aux tiges et "branches" de la plante. Pour son caractère "charnu", et sa tendreté, le revers des feuilles est souvent préféré d'autant qu'il constitue une protection non négligeable. Dans les cas extrêmes les tiges plus ou moins lignifiées sont elles-mêmes attaquées, leur creusement, générant dépérissements et ruptures.
Faute de grives, en l'occurrence de boutons floraux, certaines chenilles doivent se contenter de "merles" à savoir du moins attractif (et goûteux ?) feuillage. Dans un premier temps, les chenillettes pondues sur les feuilles se font typiquement "mineuses", et s'installent donc dans l'épaisseur du végétal en attendant de "forcir" et d'être en mesure de chercher plus consistante collation, ce qu'elles trouveront au revers des feuilles. Tout en étant bien "planquées" elles y dévorent toute l'épaisseur du tendre et juteux parenchyme, la persistance de la translucide cuticule supérieure de la feuille témoignant bien de la bête à l'oeuvre ... encore faut-il le savoir !