Afin de ne point rater l'instant " T ", une demi-douzaine de cocons de pontes ont été récupérés " in natura " fin février. Vous noterez leur aspect quelque peu "destroy" suite à leur exposition aux intempéries hivernales en tous genres, et notamment aux périodes tempétueuses. Vous noterez également la difficulté de les repérer tant ils se fondent dans le méli-mélo d'un environnement fortement herbacé, lui-même malmené, où les végétaux morts abondent ... et sont de la même couleur que les pontes !
Volontairement coincées dans des ramifications végétales fourchues et desséchées, les pontes ont été regroupées et placées sous une lampe de bureau jouxtant l'ordi. Cela m'a permis d'aisément les surveiller, tout en les soumettant à une luminosité pseudo solaire ajoutant à l'alternance naturelle jour / nuit.
Bien entendu la zone operculaire des "montgolfières" retenait toute mon attention, car le Web étant muet sur la question ( et la littérature pas plus bavarde ! ) j'ignorais totalement comment l'inventive Dame Nature avait résolu le supposé problème de son ouverture, et donc de l'émergence des jeunes aragnes. Comme pour sa cousine l'épeire diadème, je m'attendais à une éclosion groupée (et regroupée ! ), suivie in fine d'une phase de dispersion ou chaque bestiole prend son "envol" et pas seulement au figuré !
Mes sacro-saints 20° domiciliaires faisant office d'accélérateur biologique, je prévoyais censément des éclosions plus précoces qu'en milieu naturel, où tout se passe a priori fin avril. Concrètement il m'a fallu patienter jusqu'au 20 mars, jour du printemps calendaire, pour voir une minuscule aragne faire de la "slackline" entre ma lampe et les cocons sous-jacents.
Le lendemain elles étaient 2, puis 3, ce qui m'a amené à séparer les cocons car rien ne permettait de savoir d'où elles sortaient ni comment elles en sortaient ! Via de nouvelles émergences, toujours au "compte-gouttes", le cocon a été aisément identifié, mais contre toute attente l'opercule n'y faisait pas office de porte de sortie. Les bestioles émergeaient en effet par un minuscule trou d' 1 mm percé dans la paroi du cocon. Il ne semble pas y avoir de zone préférentielle, des trous de sorties étant observables au niveau de la partie ventrue de la "montgolfière", mais aussi au niveau du col. Sur la dizaine de cocons récoltés ou examinés, 1 seul présentait 2 orifices largement distants, et même quasi opposés.
Relevant de l'irrationnel, et à vrai dire de l'effraction, cette sorte d'issue de secours m'est apparue de prime abord fort suspecte, avec prévalence du caractère accidentel. Le processus se répétant sur les autres pontes, il a bien fallu me rendre à l'évidence, et admettre qu'en la matière Dame Nature ne s'était pas foulée. J'ajouterais que les sorties sont passablement échelonnées, et conditionnées par l'ensoleillement et l'élévation de la température. Que le ciel vienne à s'ennuager et c'en est fini des émergences, lesquelles reprendront le soleil revenu, quitte à attendre le lendemain ou plus encore !
Surprise également au niveau comportemental car les bestioles ne se regroupent pas sur les cocons, ou à leur toute proximité. Disons qu'elles peuvent très momentanément former de petits groupes, et qu'elles tissent "à tour de bras" au gré de la configuration de leur environnement. Beaucoup vont et viennent, et s'entraînent volontiers au "ballooning", terme anglo-saxon désignant très explicitement la dispersion par le vent.
Pas de brise et encore moins de tempête dans ma véranda, mais le moindre déplacement d'air suffit à mettre en suspension les très tenus et quasi invisibles fils de soie. J'ajouterais qu'ils adhèrent instantanément au moindre contact, et cela sur n'importe quel support, de quoi rendre jalouses les plus performantes de nos colles modernes.
Semblant émaner de nulle part, ces fils permettent aux bestioles d'évoluer tous azimuts avec une déconcertante facilité, et souvent une réelle vélocité. Mieux encore, alors que la véranda était restée fermée toute la journée (suite à notre absence), presque toutes les bestioles qui étaient initialement sur la table (dans les tiges sèches ci-dessous photographiées), se baladaient au plafond de ladite véranda, quelques traînardes étant encore visibles le long d'un fil à l'image des cabines de nos téléphériques !
Pour conclure, vous conviendrez que ce mode d'émergence, pour le moins inattendu, soulève bien des questions, et notamment sur la raison d'être de la très différenciée zone operculaire de la "montgolfière". Même si la soie la constituant ne semble pas différente, ni différemment tissée de celle de l'enveloppe extérieure, il y a sans doute une "bonne raison" reste à savoir laquelle ! J'en appelle donc aux spécialistes es-aragnes, mais il n'est sans doute que Dame Nature ( et notre Argiope ! ) pour connaître la réponse.