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Le PIQUE-PRUNE ou BARBOT (Osmoderma eremita) !
(Coléoptère Cetoniidae)
 
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La nymphose !

Comme chez tous les insectes à métamorphoses complètes (= "holométaboles"), la nymphose marque le terme de la vie larvaire sensu stricto, et précède la survenue de l'insecte adulte, et donc apte à se reproduire. La durée de la vie nymphale est très variable, certains insectes hivernant par exemple sous cette forme, là où d'autres espèces "bouclent" leur cycle en 10 ou 15 jours, voire beaucoup moins (2 à 3 jours chez le moustique).

Chez Osmoderma la logette est élaborée à la fin de l'été, et la larve y passera l'hiver en qualité de pré-nymphe. La nymphose proprement dite intervient le plus souvent en Mai-Juin, avec apparition des adultes en Juillet-Août. Selon les régions, et les conditions climatiques, ces dates sont susceptibles d'un peu varier, mais Juillet semble néanmoins prévaloir.

 
Pique-prune (Osmoderma eremita) nymphe en vue latérale (en loge). Pique-prune (Osmoderma eremita) nymphe en vue ventrale (en loge) Pique-prune (Osmoderma eremita) nymphe en vue dorsale (en loge)
Exemple de nymphe, en vue latérale, ventrale, et dorsale.
 
 
Pique-prune (Osmoderma eremita) nymphe en loge, photo 1. Pique-prune (Osmoderma eremita) nymphe en loge, photo 2 Pique-prune (Osmoderma eremita) nympe en loge, photo 3. Pique-prune (Osmoderma eremita), nymphe prête à éclore. Pique-prune (Osmoderma eremita)  adulte venant d'éclore.
Exemple d'évolution nymphale
de gauche à droite: 1 à 3)- évolution progressive de la pigmentation; 4)- nymphe prête à "éclore", autrement dit à faire sa "mue imaginale", et donc à donner vie au Pique-prune adulte. L'avancée importante de la pigmentation en est principal indice 5)- Pique-prune "nouveau-né" (issu de la nymphe précédente) momentanément extrait de sa logette, afin de montrer les ailes membraneuses, telles qu'elles se présentent à l'éclosion. Au cours des processus ci-dessous décrits, elles vont se rembrunir, se rigidifier, et se replier sous les étuis protecteurs que sont élytres.
 
La chromatogenèse !

Comme chez tous les Coléoptères, entre autres insectes, l'acquisition des couleurs (= chromatogenèse) se fait progressivement, en parallèle avec le durcissement de la chitine (= sclérification) constituant la carapace. La chromatogenèse du Pique-prune peut se qualifier de classique, celle des insectes dotés de couleurs métalliques étant souvent plus complexe et spectaculaire. Comment très souvent chez les insectes, le processus est susceptible de s'accélérer ou au contraire de se ralentir, selon que la température s'élève ou s'abaisse ... tout en restant bien sûr dans les limites physiologiques compatibles !

 
Pique-prune (Osmoderma eremita) chromatogenèse, photo 1. Pique-prune (Osmoderma eremita), chromatogenèse, photo 2. Pique-prune (Osmoderma eremita), chromatogenèse, photo 3. Pique-prune (Osmoderma), chromatogenèse, photo 4. Pique-prune (Osmoderma eremita), chromatogenèse, photo 5. Pique-prune (Osmoderma eremita ), chromatogenèse, photo 6.
Entre l'émergence de l'insecte (à gauche), et l'acquisition de la coloration définitive (à droite), près de 3 jours se sont écoulés.
Le durcissement complet de la carapace, nettement plus long, est de l'ordre de la semaine.
 
Pour les curieux !
 
La différenciation des larves de Scarabaeidae ( = "Scarabées" au sens zoologique ) n'est pas simple tant elles se ressemblent ... et cela ne s'arrange pas au niveau des Cétoines. Concernant ces dernières, il est néanmoins assez facile de différencier les Genres, y compris sur le terrain, sous réserve d'avoir de bons yeux .... et surtout de savoir où regarder ! Tout se passe en effet au niveau du dernier sternite abdominal ... c'est-à-dire du fameux "raster" !
 
Chez le Genre "Cetonia" (au sens large) le raster est doté de 2 minuscules rangées de spicules, et ces lignes épineuses sont sensiblement parallèles, avant de se rejoindre aux extrémités. Chez les "Gnorimus", le raster est lui aussi doté de 2 rangées de spicules, mais sensiblement disposées en ovale, du moins en regard des Cetonia. Les spicules sont par ailleurs plus fins, plus espacés, et moins nombreux, d'où un aspect clairsemé rendant le repérage du raster assez subtil, limite impossible à l'oeil nu. Chez "Osmoderma", notre très médiatisé "Pique-prune" (ci-dessous à droite), c'est en quelque sorte "circulez, y' a rien à voir", puisque le raster est totalement dépourvu de lignes épineuses ... CQFD !
 
La bonne astuce !
 
Vous noterez que les caractères ci-dessus mentionnés valent également pour les larves juvéniles, mais qu'ils sont censément moins visibles, ce qui peut poser problème sur le terrain. En cas d'incertitude il suffit de légèrement "beurrer" la zone du raster avec du terreau très humide, ou humecté d'un peu de salive si nécessaire. Chez les Cetonia le terreau se voit retenu par les spicules, et le raster apparaît alors on ne peut plus nettement. Chez Gnorimus, quoi que vous fassiez, le terreau "n'accroche" pas en raison de l'espacement des spicules, et de leur moindre rigidité... re-CQFD !
 
Cétoine dorée (Cetonia aurata) vue générale du raster, Cétoine dorée (Cetonia aurata) détail du raster, ........... Gnorimus octopunctatus, vue générale du raster, Gnorimus octopunctatus, détail du raster, .......... Pique-prune (Osmoderma eremita) extrémité abdominale Pique-prune (Osmoderma eremita) détail de l'extrémité abdominale
à gauche: le raster de la Cétoine dorée ( l'exemple type par excellence !), d'abord "brut de terreau", puis après toilettage (agrandir pour bien voir la conformation et la disposition des spicules); au centre: le raster des Gnorimus (présentement Gnorimus octopunctatus). Vous noterez la forme plus ou moins ovalaire, la moindre robustesse des spicules, et leur moindre nombre, d'où une perception générale nettement moins tranchée que chez les Cetonia; à droite: chez la larve du "Pique-prune" le raster est aux ... "abonnés absents" !
 
 .... et les très curieux !

Lorsqu'elles sont arrivées au 3e et dernier stade, on peut déterminer le sexe des larves d'Osmoderma, mais aussi celui des autres cétoines, et de bien d'autres coléoptères. Pour cela il faut avoir de bons yeux ( et même de très bons ! ), puis rechercher l'organe dit de Herold, sorte de minuscule "point noir" propre aux larves mâles .... et pour cause !

Il s'agit en effet d'une ébauche du canal spermatique, et de son débouché, préfiguration des futurs composants de l'appareil génital mâle des insectes adultes. Bien entendu les larves femelles en sont dépourvues, mais dans tous les cas mieux vaut y regarder à 2 fois, car le risque de confusion est loin d'être négligeable tant le fameux "point noir" peut se faire discret, et risquer ainsi de passer inaperçu.

 
le sexage .... Pique-prune (Osmoderma eremita) organe de Herold Pique-prune (Osmoderma eremita) organe de Herold, détail, ... des larves !
Localisation et conformation de l'organe dit de Herold ... à l'évidence propre aux larves mâles ! (voir ci-dessus)
( merci d'agrandir les photos pour mieux appréhender la chose ! )
 
Pique-prune (Osmoderma eremita) organe de Herold, détail,
... autres larves ... si besoin était !
 
Heurs et malheurs !
 
La bestiole est certes protégée, et même hyper-protégée, mais la Loi des Hommes s'arrête là où commence celle de la Nature. La moisissure peut donc impunément étaler son blanc linceul, la douce logette se muer en cercueil, le grand taupin s'attabler, et les "pièces détachées" ... ô combien témoigner des aléas rencontrés ! Au final, et vous l'aurez compris, la vie au pays des Pique-prune est loin d'être un "long fleuve tranquille" !
 
Pique-prune (Osmoderma eremita), nymphe morte et moisie en loge. détail de moisissures sur nymphe. Pique-prune (Osmoderma eremita), latrve ou nymphe attaquée par un champignon. Pique-prune (Osmoderma eremita), adulte en loge. Pique-prune (Osmoderma eremita), débris d'insectes adulres.
de gauche à droite: 1 à 3)- les "champignons", tels ces moisissures, peuvent survenir "post-mortem", mais aussi provoquer la mort; 4)- suite à diverses contingences (maladies, ou météo hors normes par exemple) les larves, nymphes, ou imagos, peuvent périr en loges; 5)- les parties très chitinisées , et donc très dures, peuvent se conserver fort longtemps après dislocation naturelle ... ou suite à une mauvaise rencontre !
 
Elater ferrugineux (Elater ferrugineus), photo 1 Elater ferrugineux (Elater ferrugineus), photo 2 larves de taupins (Elateridae) dites "fil de fer", photo 1. Larves de taupins (Elateridae), dites "fil de fer", photo 2.
Le grand "Taupin ferrugineux" (Elater ferrugineus) !
Les larves de ce Taupin sont connues pour être prédatrices de celles des cétoines, et notamment d'Osmoderma. L'adulte est en principe nocturne, mais celui-là se baladait de jour sur l'écorce d'un frêne, en zone très ombragée il est vrai. Les larves ci-dessus présentées sont qualifiées de "fil de fer", et typiques de la grande et très homogène Famille des Elateridae, et donc des fameux "Taupins". Présentement il s'agit d'un tout venant, les larves du grand Elater ferrugineux, étant simplement plus grosses, du moins à terme.
 
Pour info ... les indices de présence !
 
Les crottes du Pique-prune, ou plus exactement de ses larves, sont aisément reconnaissables à leur grande taille, et de surcroît observables en toutes saisons. A ce titre elles représentent le principal "indice de présence", présomption le plus souvent confirmée par la découverte de "pièces détachées" ( c'est le cas de dire ! ), tels que thorax, pattes, ou encore élytres.
 
Le fameux "parfum" émis par le mâle est également un excellent indice, mais il est censément limité à la période de reproduction, et donc à Juillet-Août. Cette forme de détection nécessite évidemment un minimum de "nez" .... mais aussi de savoir reconnaître les fameuses effluves ! J'ajouterais que la moindre brise peut les masquer si vous êtes mal placé, sans parler de la difficulté de localiser la "source" quand votre odorat se voit titillé.
 
En raison de ses préférences alimentaires, l'Elater ferrugineux (Elater ferrugineus), ci-dessus illustré, peut également constituer un indice. Il est toutefois nettement moins fiable que les précédents, et de surcroît ce rare "taupin" est surtout actif de nuit, ce qui limite beaucoup les chances de le rencontrer.
 
crottes de cétoine dorée (Cetonia aurata). crottes de Pique prune (Osmoderma eremita) Pique-prune (Osmoderma eremita) crottes "in natura",
de gauche à droite : 1)- crottes de Cétoine dorée; 2)- crottes d' Osmoderma.(vous noterez que ces crottes sont parfois appelées "fécès", mais ce terme me semble plus approprié aux excréments des mammifères); 3)- crottes "in natura", montrant que la larve du Pique-prune peut se développer au quasi niveau du sol, pour peu qu'elle y trouve terreau et nourriture à sa convenance;
 

A propos de l'A28 .....
 
Le Pique-prune est actuellement protégé au niveau européen, et il est même classé en annexe IV de la Convention dite de Berne, ce qui lui confère un statut prioritaire extrêmement contraignant. C'est d'ailleurs ce statut, qui est à l'origine de l'interruption de la construction de l'autoroute A28 (Tours - Le Mans), laquelle devait traverser une zone de la forêt de Bercé (Sarthe) où l'espèce s'est avérée très présente.
 
Pour résumer la situation on peut dire que les protecteurs de Bercé sont ravis de ladite présence ( au demeurant totalement inespérée ! ), que les artisans et partisans de l'autoroute sont également verts, mais là ce serait plutôt de rage, et enfin que les entomologistes ne sont pas mécontents de compter les points, ni de voir l'arroseur quelque peu arrosé.
 
Epilogue ....
 
Le 12 Décembre 2005, le dernier tronçon de l'A28 a été officiellement inauguré et ouvert à la circulation. Bien entendu, et vous l'aurez compris, il s'agit de celui traversant la forêt de Bercé où la découverte du "Pique-prune" avait "gelé" tous les travaux en .... 1999 !
 
A en juger par le reportage, les arbres creux contenant des larves ont été coupés au niveau du sol, puis totalement ébranchés, et les fûts résiduels ont été replantés (si l'on peut dire) en forêt, voire dans de minuscules enclaves boisées épargnées par les bulldozers.
 
De fait, dans le cadre d'un aménagement paysager spécifique, des sortes de "reposoirs", ou de "gîtes d'étapes", ont été prévus pour faciliter la tâche des bestioles aventureuses, et par exemple désireuses d'aller voir de l'autre côté du bitume si les arbres sont plus accueillants, et le terreau plus moelleux !
 
Pour autant le sort de ces "Pique-prune" ne me paraît pas très enviable, car par-delà un vandalisme (à l'occasion vengeur) toujours possible, il faut compter avec des "pilleurs de troncs" d'un nouveau genre, lesquels n' auront pas grand mal à repérer les troncs en question, et à s'y servir, d'autant qu'une belle pancarte "arbre préservé" leur évitera toute erreur et perte de temps !
 

 
En guise de conclusion !
 
Souvenirs....
 
C'était sur un campus universitaire nantais, bâti au sein d'une ancienne et fort belle propriété abondamment boisée. C'était aussi bien avant la Loi.....
 
Majestueux comme il se doit, le chêne multicentenaire s'élevait d'un jet et ses ramures culminaient à des hauteurs impressionnantes. De longue date j'avais repéré une cavité particulièrement prometteuse, mais sauf à s'appeler Tarzan il était totalement impossible d'y accéder tant elle était haute et mal placée.
 
En dépit de son imposante stature, et de son apparente superbe, l'arbre était la proie de deux grands insectes dorénavant protégés. Les larves du premier, le Cerambyx cerdo (cf.page entomo) taraudaient le tronc et les branches maîtresses en tous sens, et celles du second, le Lucane cerf-volant (Lucanus cervus, cf. page entomo) sapaient insidieusement des racines déjà éprouvées par les ans.
 
La dangerosité s'accentuant au fil des années, et se confirmant d'ailleurs par la chute de branches lors d'épisodes tempétueux, les autorités universitaires se décidèrent finalement à le faire abattre, et à peine était-il à terre que j'étais à pied d'oeuvre.
 
Cetonia speciossisima = Cetonischema aeruginosaLa cavité était nettement plus profonde et importante que je n'osais l'espérer et dans le terreau tout chamboulé par l'impact de la chute il m'a suffi d'un coup d'oeil pour repérer des crottes d'une taille pour moi très inusitée. Ayant toujours imaginé que cette cavité était le gîte idéal pour la fameuse et splendide Cetonia speciossisima (= Cetonia aeruginosa), ci-contre, qui a la même biologie larvaire , j'étais sur l'instant convaincu d'avoir gagné le gros lot. En poussant un peu plus avant mes investigations je suis très vite tombé sur un élytre d'Osmoderme et sur le coup j'avoue avoir été quelque peu déçu. 
 
L'arbre devant être rapidement dégagé j'ai évidemment extrait tout ce qui pouvait l'être, à savoir de très nombreuses larves, dont beaucoup en fin de développement, mais également bon nombre de loges déjà constituées, et bien sûr quelques seaux du précieux terreau. A l'époque je n'avais pas vraiment conscience de l'intérêt de cet insecte, et à décharge il faut reconnaître que pareille abondance ne plaidait pas en faveur de sa rareté.
 
Si beaucoup ont été relâchés dans la nature une fois adultes, pas moins ont été donnés ou échangés, tant j'étais convaincu de pouvoir retrouver la bête à mon gré, mais par la suite je devais déchanter.
 
En guise d'épilogue je dirais que la présence d'Osmoderma sur le campus reste un excellent souvenir, et qu'elle a permis bien des années plus tard d'épargner un très vieux bois voué aux tronçonneuses. Je dirais également que cela a été rendu possible grâce à l'initiative d'un Doyen de Faculté .... et aussi au dernier spécimen d' Osmoderma eremita "made in Faculté" figurant dans mes collections. 
 
 
FIN
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr