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LE FOURMILION !
(Névroptère Myrmeleonidae)
 
(page 3 sur 3)  
 
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La locomotion !
 
fourmilion, face ventrale pattes postérieures du fourmilion (détail) fourmilion: position  des pattes antérieures position de retournement du fourmilion
de gauche à droite : 1)- détail, sur le vif, de la position et de la forme des pattes. Vous noterez que les antérieures paraissent insérées entre les intermédiaires; 2)- détail de la conformation des pattes postérieures; 3)- position des pattes antérieures ( post mortem ) après dévagination de la partie antérieure; 4)- illustration ( sur le vif ) de la technique utilisée par le fourmilion pour se retourner quand il est sur le dos ( vous noterez que les tortues procèdent de même ! ) 
 
La larve présente par ailleurs l'étonnante particularité de toujours se déplacer par saccades, et de surcroît en "marche arrière", ce qui lui vaut d'ailleurs d'être appelée "reculon" en Vendée ( " r'chulon " avec l'accent ! ). Ce type de locomotion est d'autant plus original qu'il repose quasiment sur les seules pattes postérieures.

De fait les pattes antérieures sont courtes, grêles, quasi atrophiées, et dirigées vers l'avant à la manière de palpes ou d'antennes. Par ailleurs elles donnent l'impression d'être insérées entre les pattes intermédiaires, mais en fait cette impression résulte de l'invagination de la partie antérieure du corps, au demeurant très étroite, tel un cou (cf. cliché ci-dessus). Au final elles apparaissent bien peu fonctionnelles, d'autant que sur substrat lisse la larve se stabilise fréquemment en inclinant la tête et en s'appuyant sur l'extrémité de ses mandibules grandes ouvertes.

Contrairement aux antérieures les pattes intermédiaires sont très longues, et portées telles des rames. Elles servent en quelque sorte de stabilisateurs latéraux car la forme globuleuse de la larve, et les à-coups liés au mode de déplacement, sont générateurs de déséquilibres.

Les pattes postérieures sont les plus robustes, et au repos elles s'appliquent en totalité sur la face ventrale. Leur position et leur forme fait qu'elles peuvent aisément se déployer ou au contraire se rétracter ce qui les rend aptes à générer le déplacement. Présentement ce dernier semble s'opérer par tractions successives et le fait que les pattes se rétractent simultanément et très brusquement ( tels des ressorts ) provoque une brève projection arrière et le fameux effet de saccade. D'une certaine manière on peut d'ailleurs dire que ce type de progression s'apparente à des sauts "à l'envers" compte tenu du sens de progression, mais aussi du fait qu'ils résultent d'une traction et non d'une poussée.

Sur substrat meuble l'extrémité abdominale est susceptible de se replier au même rythme que les pattes, et ce point d'ancrage supplémentaire facilite à la fois le déplacement et l'enfouissement. A noter que les mouvements induisant ledit déplacement sont à peine discernables tant ils sont rapides, ce qui ne facilite pas l'observation ni la bonne compréhension du processus. 

L'entonnoir !

En règle générale les entonnoirs en question ont un diamètre de 4 à 6 cm, et ils sont fréquemment regroupés par places dans des zones bien exposées et souvent peu végétalisées. Du fait de leur pente, et de la friabilité de leur paroi, l'insecte qui s'y aventure ne peut remonter et finit fatalement par glisser au fond du piège, là où la redoutable larve est parfaitement dissimulée ( corps enfoui, tête et mandibules affleurant à peine la surface ).

Les fragiles entonnoirs étant évidemment soumis à de multiples aléas et dégradations ( intempéries, passage d'animaux, capture ou évasion de proies récalcitrantes, etc...) la bestiole est contrainte de fréquemment remettre son piège en état ...ce qu'elle fait toutes les nuits !

 
exemples d'entonnoirs de fourmilions entonnoirs de fourmilions (photo 2) diamètre d'un entonnoir de fourmilion
exemples d'entonnoirs de fourmilions, les plus grands atteignant 6 cm de diamètre ( l'allumette fait 5 cm de longueur ! )
 
Au besoin, et ce n'est pas la moindre de ses originalités, la larve du fourmilion peut littéralement bombarder sa proie afin de précipiter sa chute. En l'occurrence le sable est projeté d'un coup de tête, et par-delà son caractère directionnel le tir a pour effet de déclencher un mini glissement de terrain qui achève de déstabiliser la future victime.
 
face à face au fond du trou le bombardementdu fourmilion "bombardement" de fourmilion "bombardement" de fourmilion (détail)
à gauche: face à face mortel au fond du piège ( voir agrandissement , et remarquer l'ouverture des mandibules à 180°)
à suivre: scènes de "bombardements" ....au 500 ème de seconde !
 
Suite à la totale atrophie d'une aile, et donc bien incapable de voler, une grosse mouche bleue, dite "mouche à m..." :-),
a servi d'appât pour illustrer la "technique" et la voracité de la larve du fourmilion. A découvrir sur cette vidéo !

Le creusement !

Le plus souvent l'observation porte sur des entonnoirs en quelque sorte provisoires, car bien souvent creusés dans l'urgence d'un déterrage intempestif . Brutalement mise au jour la bestiole ne songe alors qu'à fuir, et donc à s'enfouir. Une fois à couvert, et si je puis dire rassurée, elle se contente d'éjecter le sable à coups de tête, et par gravitation il s'ensuit la formation d'un entonnoir qui pourrait se qualifier de " secours ", ou encore de " simplifié " eu égard à la méthode et au résultat.

En cas de comblement du piège ( accidentel ou provoqué là aussi ! ), vous noterez que la bestiole construit le même genre d'entonnoir, selon le même principe, et les mêmes modalités, Vous noterez également que les entonnoirs obtenus sont fonctionnels dans les 2 cas , mais qu' ils sont toujours très petits en regard de la norme, d'où une moindre capacité de capture, et de rétention des proies.

Le creusement des "vrais" entonnoirs est en fait nocturne, et la technique beaucoup plus élaborée et astucieuse !

Dans un premier temps la larve s'ensable très superficiellement si elle a été extraite, ou elle remonte sous la surface du sable si l'entonnoir a simplement été comblé. Quand elle le décide, et tout en restant à couvert, la bestiole commence par décrire des cercles de l'ordre de 2 à 3 cm de diamètre, le mouvement du sable témoignant très nettement du trajet suivi, et ce jusqu' à la fin du "chantier". La progression se fait bien sûr en "marche arrière", presque toujours dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, et le sens de rotation choisi est conservé jusqu'à la fin.

Chemin faisant le sable est plus ou moins refoulé de part et d'autre de la bestiole, la forme en coin de l'abdomen favorisant à l'évidence la pénétration et l'évacuation latérale du substrat. Dans le même temps la larve "balance" très régulièrement, et non moins fréquemment, de véritables pelletées de sable d'un simple coup de tête. La gravitation et la fluidité du substrat aidant il se forme alors un sillon circulaire sensiblement en forme de "V". (schéma ci-dessous, profil 1 ).

Au terme de cette première étape le diamètre des cercles décrits se réduit progressivement, selon le principe même de la spirale, et au fil des rotations, du sable constamment évacué, et du " ruissellement " induit par la gravitation, le sillon se creuse, s'évase, et l'ébauche de l'entonnoir apparaît nettement ( profil 2 ).

A un stade encore plus avancé la larve tourne quasiment sur place, le sable circonscrit par le sillon initial est presque totalement évacué, et l'entonnoir se précise encore plus nettement ( profil 3 ). A terme ce dernier est parfaitement constitué, et en moyenne il aura fallu moins d' 1 heure de travail ininterrompu pour obtenir un cône parfait ( profil 4 ). Vous noterez que la largeur de l'entonnoir s'accroît avec sa profondeur, mais aussi avec le degré de fluidité du substrat, et que ce type d' entonnoir est toujours creusé de nuit.

 ...de la théorie à la pratique !
.... ou l'art et la manière de faire son trou ! 
 
début de la construction d'un entonnoir de fourmilion schéma de construction de l'entonnoir du fourmilion fourmilion creusant son entonnoir fourmilion creusant son entonnoir (détail)
....à reculons ! ....en spirale! ....et dans le sens inverse des aiguilles d'une montre ! ....qui dit mieux ! 
de gauche à droite: 1)- illustration particulièrement typique du creusement en spirale (correspondant au stade 2 du schéma). La flèche, visible sur l'agrandissement, indique la position de la tête de la bestiole). Vous noterez qu'une fâcheuse maladresse à compromis la suite de ce bel ouvrage. 2)- coupes schématiques illustrant la construction d'un entonnoir de fourmilion. 3 & 4)- clichés montrant la tête du fourmilion, et donc le sens de rotation. Ces photos montrent aussi le mode de cheminement " à fleur de sable", puisqu'on ne voit jamais la bête, mais seulement une "bosse de sable" qui se déplace. Vous noterez que ce processus vaut en toutes circonstances, notamment quand la bestiole est amenée à " déménager ".
.... et maintenant en vidéo !
 
 
construction d'un entonnoir de fourmilion (étape 1 ) construction d'un entonnoir de fourmilion (étape 2 ) construction d'un entonnoir de fourmilion (étape 3 ) construction d'un entonnoir de fourmilion (étape 4 ) construction d'un entonnoir de fourmilion (étape 5 )
suite à la maladresse ci-dessus évoquée, vous devrez vous contenter d'un creusement un peu moins "académique" !
La photo de gauche ayant été prise à 22 h 19, et celle de droite à 23 h 04, il s'ensuit 45 mn de "boulot", et je vous laisse imaginer le nombre de "pelletées" de sable évacuées. Dernier point : attention à l'illusion d'optique qui peut vous faire voir un cône en relief à la place du creux de l'entonnoir !
 
Les larves de fourmilions peuvent à l'occasion se déplacer, voire migrer si besoin est, mais là encore c'est toujours de nuit. Comme déjà dit, le cheminement se fait " à fleur de sable ", c'est-à-dire sous une mince couche de substrat, et bien sûr toujours en " marche arrière ". Concrètement on ne voit jamais la bestiole, mais seulement une petite bosse de sable qui avance .... et un sillon qui se creuse au fur et à mesure de la progression, et de "pelletées" de sable rejetées ça et là par "habitude" ou pur réflexe, car nullemennt nécessaires ....CQFD !
 
traces de fourmilion ....traces de cheminements de fourmilions ...ayant perdu son GPS !
En pratique les traces sont plus directionnelles, donc moins "tournicotées", et de surcroît elles se terminent logiquement par l'entonnoir.
Est-il besoin de le préçiser, ces traces sont très fugaces, en raison même de la fluidité du substrat, et de sa sensibilité aux intempéries !
 
Edifiant ! ... ou le coin des p'tits "matheux" !
Sur sable fin tamisé, une larve à terme creuse un entonnoir de 6 cm de diamètre, pour 3 cm de profondeur, ce qui représente un volume de 29 cc, soit 43gr ( pesé ! ) de sable. Sachant que le poids de la bestiole est inférieur à 0,2 gr, elle aura "évacué" 215 fois son propre poids, et cela en moins d'une heure. Dans le même laps de temps, et toutes proportions gardées, un homme de 70 kg devrait "brasser" 15 tonnes de sable, soit l'équivalent de 10 m3, représentant 700 brouettes, et 8400 pelletées ... normes BTP ! :-)

A propos du substrat !

On peut dire que sa finesse et son homogénéité importent moins que sa fluidité car notre bestiole a plus d'un tour dans son sac. Là encore la démonstration est patente, même si on ne peut écarter l'incidence physique de la gravitation. Tout se passant plus ou moins à couvert il est en effet bien difficile de se faire une opinion objective, autrement dit de déterminer précisément les mérites respectifs de chacun, qu'il s'agisse de notre larve de fourmilion....ou du célèbre Newton.

Reste que les faits sont indéniables et que la curieuse bestiole semble pouvoir "tamiser" le substrat à son gré car les entonnoirs sont toujours constitués des particules les plus fines. En réalité, gravitation aidant, tout ce qui n'est conforme à la granulométrie souhaitée par la larve (menus cailloux, débris en tous genres) est tout simplement balancé "par-dessus bord" au fur et à mesure du cheminement de la larve, et donc du creusement de l'entonnoir.

Attention ... ne pas confondre !

La larve du Vermileo, couramment appelée "ver-lion" (voir page entomo, rubrique "autres") a des moeurs très comparables à celles de notre Fourmilion. Les entonnoirs sont cependant nettement plus petits ( de l'ordre de 2 cm maxi ), et moins évasés, avec un fond sensiblement arrondi. Ils sont construits dans les zones très abritées, ombragées, avec substrat sablonneux ou poussiéreux.

Là encore les fourmis sont pour l'essentiel au menu, avec "bombardement" des proies récalcitrantes, et rejet des dépouilles par-dessus bord.

A l'état adulte les Vermileonidae sont des sortes de mouches d'une dizaine de mm en moyenne. Plus ou moins jaunes et noires, elles sont dotées de longues pattes, et d'un corps étroit et allongé. Une quarantaine d'espèces sont connues au niveau mondial, ce qui en fait une très petite Famille. En France, la bestiole (Vermileo degeeri ou Vermileo vermileo) se rencontre surtout dans le midi.

Conclusion ....

Par-delà la notion de piège on peut dire que le Fourmilion a inventé le principe de l'entonnoir, et de la spirale, bien avant l'homme. Si besoin était, on peut également dire que cette nouvelle référence à la bionique (étude de processus biologiques en vue de leur transposition à des fins industrielles), démontre que les bêtes sont en quelque sorte loin de l'être.

 
Cette "page entomo" a fait l'objet d'une publication, dans la revue "INSECTES" de l'OPIE (N° 154, 3e trimestre, 2009)
 
FIN
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr