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 L'ORYCTES ou "RHINOCÉROS" (Oryctes nasicornis) !
(Coléoptère Dynastidae)
 
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Présentation 
 
Oryctes nasicornis est un gros coléoptère de la famille des Scarabaeidae (sous-famille des Dynastinae ) qui est répandu dans toute l'Europe (à l'exclusion des îles britanniques), et le bassin méditerranéen jusqu'au Pakistan. Brun rougeâtre, et d'aspect vernissé, il peut atteindre une taille de 40 mm. Le dimorphisme sexuel, voir ci-dessous, est très accusé, le mâle arborant une corne céphalique recourbée en arrière, d'où le nom de "rhinocéros" donné à l'espèce. Plus ou moins développé, cet attribut est en rapport avec la taille de l'insecte, et ce rapport morphologique est tout à fait comparable à celui qui préside au développement mandibulaire des mâles du Lucane cerf-volant (Lucanus cervus ).
 
Les "Rhinocéros" .... Oryctes nasicornis: panel issu de mon compost (en main). ... de mon compost !
Comme vous le verrez ultérieurement ce "biotope", pouvant se qualifier de substitution, est de plus en plus apprécié par l'Oryctes, mais aussi par la Cétoine dorée (voir page entomo). L'adjonction de feuilles mortes, brindilles, petits fragments de bois mort, favorise grandement la "colonisation" du compost ... et la "fidélisation" des convives !
 
 
Oryctes nasicornis: couple. Oryctes nasicornis: mâle major. Oryctes nasicornis: mâle major, photo 2. Oryctes nasicornis: femelle major.
Illustration photographique du dimorphisme sexuel !
à gauche: couple; à droite: femelle; au centre: mâle(s)
...  et en vidéo !
 
 
Oryctes nasicornis: couple en main. Oryctes nasicornis: couple en main, photo 2. Oryctes nasicornis: mâle major en main
.... toujours le dimorphisme sexuel !
à gauche et centre: couples; à droite: grand mâle
  
En France l' Oryctes nasicornis est largement répandu. Il y est représenté par plusieurs sous-espèces, mais les avis divergent selon les auteurs. La ssp. nominative, nasicornis nasicornis , occuperait tout le nord du pays jusqu'au bassin de la Seine; elle ferait place ensuite à la ssp. laevigatus qui serait elle même remplacée en Corse et Languedoc-Roussillon par la ssp. grypus , caractérisée par sa grande taille. Cette répartition laisse parfois place à des "accommodats" locaux. Ainsi certaines populations ardéchoises sont quasi inclassables et dans le sud-ouest l'Oryctes semble accepter le bois résineux.
 
La fréquence d'Oryctes nasicornis est assez variable. Il est commun dans le midi et n'est pas rare en Auvergne où on peut même l'y rencontrer ponctuellement en grand nombre dans les rebuts de scieries. En Loire-Atlantique, au contraire, l'espèce apparaît plutôt peu fréquente et les captures sont à ma connaissance isolées. Leur taille est assez variable et certains y ont vu la présence conjointe des sous-espèces nasicornis et grypus mais le fait n'est pas probant, d'autant que la taille est souvent influencée par la qualité et l'abondance de la nourriture, comme c'est souvent le cas chez de nombreux insectes. J'ajouterais que l'adulte est donné pour ne point s'alimenter ... mais j'avoue douter.
 
D'après Pierre ROBERT, le bois carié serait nettement plus nutritif que le terreau, mais ce dernier matériau est néanmoins très souvent apprécié. C'est d'ailleurs dans un terreau de feuilles amassé par les jardiniers du campus, que j'ai trouvé (mi-juin) les larves et nymphes d' Oryctes à l'origine des premières illustrations de cette page (aujourd'hui remplacées par des clichés APN) .
 
L'adulte d'Oryctes est peu actif, cependant il vole aisément et "vient aux lumières" comme de nombreuses espèces de papillons . Selon certains auteurs il apparaît au printemps, mais personnellement je l'ai surtout rencontré en juillet, ce qui peut laisser supposer une durée de vie imaginale assez longue, bien que l'adulte puisse se passer de nourriture. J'ajouterais qu'il semble très casanier, et fidèle à son lieu de naissance, car je l'ai trouvé en un seul point du campus, en dépit de la proximité de plusieurs biotopes très comparables.
 
Vous noterez que le Rhinocéros adulte passe pour ne pas s'alimenter, mais que cette femelle a été surprise, comme ci-dessous à droite, à plusieurs reprises. Les conditions d'élevage pouvant influer sur le comportement, je me bornerais à signaler le fait. Dans le même esprit vous noterez que le lapin passe pour ne pas boire en élevage, et tirer son eau des végétaux ingérés, mais il boit bel et bien .... quand on met de l'eau à sa disposition.
 
  Oryctes nasicornis: panel de mâles (en main) Oryctes nasicornis: panel de femelles (en main). Oryctes nasicornis: femelle en gros plan. .................Oryctes adulte s'alimentant
à gauche : outre les papillons nocturnes (pour lequel il a été conçu, et qui restent très largement majoritaires), mon piège lumineux (lampe UV) attire toutes sortes de bestioles .... et entre autres des "Rhinocéros" ! (à gauche: mâles; au centre et à droite: femelles); à droite: femelle (pondeuse ! ) attablée ... sur de la confiture de fraises!
 
 Major, medium, minor ... C koi ?
 
En regard de ses congénères, un spécimen peut être "major" (grand ! ), "medium" ( moyen ! ), ou encore "minor" ( petit ! ). En pratique c'est un peu moins simpliste car ces appellations concernent surtout les coléoptères dotés d'appendices céphaliques ou thoraciques multiformes, tels la corne des "Rhinocéros", ou les mandibules hypertrophiées des lucanes. Le développement de ces attributs est en effet susceptible de varier de façon très importante, et cela bien au-delà du simple rapport de taille des adultes.
 
Au passage vous noterez qu'en entomologie "mercantile" (notamment exotique), les formes "major" sont évidemment les plus prisées des collectionneurs, et donc les plus coûteuses. Vous noterez également que la petitesse d'un insecte résulte le plus souvent d' une carence alimentaire au niveau larvaire (nourriture insuffisante, inappropriée, ou encore trop "pauvre"), et que le gigantisme n'existe pas, une larve ne pouvant manger et assimiler plus que prévu par Dame Nature.
 
L'exemple du "Rhinocéros"
"major" ... Oryctes nasicornis: comparitif entre mâles major et minor. .... et "minor"
Comme cette photo le montre, la grandeur de la corne n'est pas proportionnelle à la taille de la bestiole.
L'écart mathématique est en effet beaucoup plus important entre les cornes qu'entre la taille des bestioles.
(longueur du corps: 34 & 29 mm; hauteur de la corne (tête comprise) 12 & 5 mm)
 
 
Oryctes nasicornis: mâle major Oryctes nasicornis: mâle medium. Oryctes nasicornis: mâle minor...............
à gauche : dans cet exemple, les insectes ont été ramenés à la même taille, ce qui permet de bien comparer le développement des cornes
(de gauche à droite: "major", "medium", "minor" .... selon les appellations consacrées !
 
 .... et celui du Lucane !
un exemple ....Lucanes (Lucanus cervus)  mâles montrant la variabilité des tailles ... très exemplaire !
Le Lucane est une espèce "bien de chez nous", encore appelée "Cerf-volant" en raison de l'hypertrophie mandibulaire des grands mâles. Présentement le "major" arbore ses 85 mm sous la toise, là où le minus de chez minus affiche péniblement 30 mm. Bien entendu il s'agit de bestioles à la limite du Guiness, le non initié pouvant y voir 2 espèces distinctes, tant les tailles et les formes sont dissemblables. Au vu de cet exemple on comprend pourquoi les formes "major" sont toujours très recherchées par les collectionneurs.
 
La ponte
 
En toute logique elle suit l'accouplement, lequel se passe de nuit et à l'air libre. Au gré de racines dégradées, vieilles souches, composts, et autres substrats à l'avenant, la femelle va s'enfouir pour déposer ses oeufs au mieux de leur devenir, chacun étant pondu isolément, au sein d'une petite logette. Les oeufs de l'Oryctes sont relativement gros, blancs, et nettement ovoïdes, du moins à l'émission. Au fil de l'incubation les oeufs tendent en effet à s'arrondir et grossir, au point de largement doubler de volume une fois arrivés à terme. En soi le fait est assez classique, mais l'accroissement de la taille est présentement exceptionnel. Compte tenu de leur taille à l'émission, et de la protection naturelle induite par leur enterrage, je ne pense pas que les oeufs soient très nombreux. Je dirais de l'ordre de la cinquantaine, mais pour l'heure c'est purement approximatif !
 
Rhinocéros (Oryctes nasicornis) accouplement, photo 1  Rhinocéros (Oryctes nasicornis) accouplement, photo 2 ...............Rhinocéros (Oryctes nasicornis) oeufs, photo 1 ........ ......Rhinocéros (Oryctes nasicornis) oeufs, photo 2 Rhinocéros (Oryctes nasicornis) oeufs, photo 3
ci-dessus, à gauche : scènes d'accouplement; au centre : illustration de l'accroissement de taille des oeufs, depuis l'émission jusqu'au terme de l'incubation; à droite : oeufs tout-venant, les plus gros prêts à éclore sous 24 à 48 h. ci-dessous : larves naissantes (remarquez les déjà puissantes mandibules ! ), et à l'extrême droite jeunes larves en main.
Rhinocéros (Oryctes nasicornis) lavule néonate, photo 1 Rhinocéros (Oryctes nasicornis) lavule néonate, photo 2 Rhinocéros (Oryctes nasicornis) lavule néonate, photo 3 Rhinocéros (Oryctes nasicornis) lavule néonate, photo 4 Rhinocéros (Oryctes nasicornis) lavule néonate, photo 5 Rhinocéros (Oryctes nasicornis)  jeunes larves en main.
  
La larve
 
La larve, ci-dessous, est de type mélolonthoïde, et donc arquée comme chez le Hanneton commun (Melolontha melolontha). Par principe elle est saproxylophage, c'est-à-dire qu'elle se nourrit de bois ou de débris ligneux plus ou moins décomposés ( généralement non résineux ), mais au fil du temps, et des évolutions environnementales, les "goûts" de la bestiole se sont passablement modifiés.
 
Par-delà ses gites classiques, vieilles souches par exemple, fut un temps où cet insecte était un hôte des tanneries because le stockage des écorces de chêne pour l'extraction du fameux "tan". Les techniques évoluant le tan en question s'est vu remplacé par le chimique et la bestiole s'est rabattue sur les scieries où elle abondait dans les tas de sciures. Là encore les choses ont évolué (sciure et copeaux recyclés), et de nos jours notre "rhino" squatte volontiers les composts, pour peu que ces derniers comportent suffisamment de débris ligneux (feuilles mortes et tailles de haies par exemple, à l'exclusion des résineux et du laurier-palme). Vous noterez que les composts sont également très recherchés par la cétoine dorée (voir site) contrainte elle aussi de s'adapter à la disparition des gîtes larvaires naturels, notamment en zone plus ou moins urbanisée. Compte tenu de son régime alimentaire, et de ses nouvelles habitudes de vie, l' Oryctes est passé du statut de "non nuisible" à celui d' "utile".
 
 
larves d'Oryctes (cliché 1) larves d'Oryctes (cliché 2) larve d'Oryctes (cliché 3) larves d'Oryctes,  détail tête; larves d'Oryctes (cliché 4) larves d'Oryctes (cliché 5)
Larves d'Oryctes nasicornis. Arrivées à maturité, comme présentement,
elles atteignent 6 cm (celles de droite sont tout juste sorties de mon compost!)
 
La durée du développement larvaire est généralement de deux à trois ans en milieu naturel. D'après les données d'élevage de Pierre ROBERT ("INSECTES" -OPIE- N° 95, 1994) la température et la qualité de la nourriture ont une grande influence sur la durée de ce développement larvaire. De fait à une température optimale de 28-30°, l'imago est obtenu en quatre à cinq mois, mais parallèlement l'auteur insiste sur la nécessité d'une diapause post-imaginale pour une bonne maturation sexuelle.
 
En élevage cette diapause dure 2 à 3 mois, et demande une température comprise entre 5 et 15°. Ce stade végétatif correspond probablement à la période hivernale en milieu naturel, ce que semblent corroborer mes propres observations. Un phénomène assez comparable s'observe d'ailleurs chez le grillon champêtre (Gryllus campestris ). En milieu naturel cet insecte passe en effet l'hiver à l'état de larve avancée, et termine son développement au printemps suivant. En élevage, arrivé au stade larvaire normalement atteint à l'approche de l'hiver, et ce quelles que soient les conditions ambiantes, notre grillon perd de son activité, et cesse de s'alimenter durant une quarantaine de jours. Au-delà de ce cap il reprend une activité normale qui à terme le mène au stade d'adulte.
 
Ne pas confondre !
 
Vous noterez que les larves de Lucanes (= Cerfs-volants, voir site) peuvent occuper les mêmes gîtes que celles de l' Oryctes, et qu'elles sont en outre très comparables de forme et de taille . La confusion est évidemment aisée, mais sans conséquence fâcheuse ... si ce n'est pour l'ego de l'entomologiste en herbe !
 
 
Oryctes nasicornis .... tête  d'Oryctes tête de lucane ... Lucanus cervus !
Pour les différencier sachez que la tête est brune et abondamment ponctuée chez Oryctes (gauche),
et qu'elle est rousse et lisse chez les Lucanes (droite).
 
 La nymphe
 
Arrivée à maturité, et donc au maximum de son développement, la larve s'enterre assez profondément (15 à 20 cm en moyenne), et elle s'aménage une loge dite nymphale. Ovoïde, très spacieuse, et plus ou moins individualisée en regard du substrat, cette loge terreuse atteint presque la taille d'un oeuf (parois incluses). Le passage à l'état de nymphe, puis à celui d'adulte, se fera de l'été à l'automne, mais l'insecte dit "parfait" ne sortira à l'air libre qu'au printemps suivant, voire en début d'été.
 
exemple de loge nymphale ....exemple de loge nymphale d'O. nasicornis.exemple de loge nymphale d'O. nasicornis... avec et sans exuvie ( = mue )
Les loges nymphales atteignent presque la taille d'un oeuf.
Elles sont souvent assez profondément enterrées (15-20 cm), et constituées de terre "cimentée" par la larve.
 
 
Oryctes nasicornis: nymphe en vue latérale Oryctes nasicornis: nymphe en vue ventrale. Oryctes nasicornis: nymphe en vue dorsale.
la nymphe préfigure l'insecte adulte, ici un mâle ... "sous toutes les coutures" !
 
 
exuvie nymphale ... Oryctes nasicornis:  exuvie larvaire ... hors normes !
La nymphose s' étant faite à la surface du sol, ce qui est très inhabituel, l'exuvie (= mue) a été retrouvée telle que, et là c'est carrément exceptionnel.
(en temps normal tout se passe dans la loge, et l' exuvie ressemble à une vieille chaussette tant elle est "tire-bouchonnée" ! )
 
 
Mue imaginale et chromatogenèse
 
Les illustrations ci-dessous ont été rendues possibles, ou du moins facilitées, par la nymphe "hors sol" ci-dessus figurée. Par-delà cette opportunité, il aura également fallu une surveillance quotidienne ( et même de tous les instants sur la fin ! ), et aussi beaucoup de chance pour pouvoir vous présenter la "totale".
 
Contrairement à beaucoup d'espèces d'insectes, vous noterez que le chromatisme thoracique, et une certaine sclérification des téguments concernés, sont acquis avant la mue imaginale. Les élytres, sont par contre blancs et mous, car tout juste déployés, leur coloration et leur sclérification se faisant ultérieurement et progressivement.
  
 
mue imaginale d'Oryctes (cliché 1) mue imaginale d'Oryctes (cliché 2) mue imaginale d'Oryctes (cliché 3) mue imaginale d'Oryctes (cliché 4) mue imaginale d'Oryctes (cliché 5) mue imaginale d'Oryctes (cliché 6)
Mue imaginale du "Rhino" ! ... (4 minutes se sont écoulées entre l'image de gauche, et celle de droite ! )
de gauche à droite: 1)- le déploiement des pattes marque le début de la mue. Remarquer le décollement de l'enveloppe nymphale, et l' aspect fripé de la future défroque, un peu comme l'est une chemise trop grande. 2)- L'ouverture de la dépouille vient de se faire (flèche); 3-4-5)- le "dépouillage" proprement dit; 6)- mue nymphale terminée !
 
 
chromatogenèse d'Oryctes (cliché 1) chromatogenèse d'Oryctes (cliché 2) chromatogenèse d'Oryctes (cliché 3) chromatogenèse d'Oryctes (cliché 4)
....et chromatogenèse .... du même !
( 22 heures séparent l'image de gauche, et celle de droite ! )
  
 
et pour le plaisir.... Oryctes venant de faire sa mue imaginale Oryctes en cours de chromatogenèse (photo 2) Oryctes en cours de chromatogenèse (photo 3) ... tout simplement !
 
 
En guise de conclusion ...
 
Je dirais que le campus Nantais (partie "Erdre") m'a réservé bien d'autres bonnes surprises, à commencer par Osmoderma eremita ( le fameux "Pique prune" de l'autoroute ! cf. page entomo ), mais aussi Leptura fontenayi, longicorne méridional très rarement signalé dans la région. Cet intérêt entomologique, entre autres richesses naturalistes, tient bien sûr à la présence de zones naturelles très anciennes, boisées notamment, mais aussi à la volonté de les préserver. Merci donc à tous ceux qui ont oeuvré pour qu'il en soit ainsi ... et à tous ceux qui devront le faire pour que ça dure !
 
A fait l'objet d'une publication, dans la revue "INSECTES" de l'OPIE (N° 179, 4e trimestre, 2015)
 
FIN
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr