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le SPHINX TÊTE de MORT (Acherontia atropos) !
(Lépidoptère Sphingidae)
 
(page 2 sur 5)
 
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Intro !
 
Fut un temps où la seule évocation de ce papillon faisait frémir dans les chaumières. Bien entendu la bouteille d'eau bénite n'était jamais bien loin, une sainte aspersion ayant la vertu, entre autres propriétés, de parer au funeste présage annoncé par la survenue d'une bestiole qu'il suffisait d'entrapercevoir pour redouter le pire.
 
A l'époque j'étais tout gosse, mais il me souvient très bien du jour où la "bête" a eu la malencontreuse idée de venir trépasser dans la véranda de ma grand-mère. J'exagère à peine en disant qu'un bon demi litre d'eau quasi miraculeuse a été nécessaire pour conjurer le sort, avec interdiction absolue d'en parler à quiconque alentour ... des fois que !
 
A décharge, il faut bien reconnaître la force évocatrice du dessin thoracique, d'où l'appellation commune et scientifique de ce sphinx. Acherontia se réfère en effet à l' Achéron , fleuve des Enfers "que les ombres des morts traversaient sans retour", tandis qu' Atropos était la Parques qui "coupait le fil des jours", autrement dit celui de la vie. Tout un programme, et vous en conviendrez, pas des plus réjouissants !
 
Que dire de plus, sinon qu'au fil des ans et des biocides en tous genres, le "papillon du diable" s'en est allé, et les croyances de mauvais augure avec, du moins celles qui lui étaient attachées, car d'autres perdurent à coup sûr ça et là tout comme le recours à l'eau bénite, pour qui croit en ses bienfaits.
 
 
le Sphinx tête de mort ... exemple de dessin thoracique de l' atropos.. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos)  specimen de collectionexemple de dessin thoracique de l' atropos .... et son fameux "logo"
 
Sauf à totalement manquer d'imagination, il est bien difficile de nier toute ressemblance,
mais le graphisme n'est pas toujours aussi réaliste, ni aussi tranché, et il peut même faire défaut dans la forme dite "obsoleta".
 Pour le reste chacun voit midi à sa porte, et que celui qui n'a jamais lu un horoscope jette la première pierre ! 
  
Remerciements
 
Avant d'entrer dans le vif du sujet, sachez que la bestiole s'est longtemps appelée "Désirée", et que je commençais à vraiment désespérer de pouvoir lui consacrer une "page entomo". Il aura fallu l'aimable et très fortuite contribution de 2 internautes (avec 2 chenilles "sauvages" à la clé ! ), et surtout la gentillesse désintéressée d'un naturaliste havrais, photographe professionnel, qui a su passion garder ... et partager les quelques oeufs et chenillettes reçus ! Une fois encore, qu'ils en soient tous trois sincèrement remerciés !
 
 
 Présentation
 
Le bien nommé "Sphinx tête de mort" est très largement répandu en Afrique, et avec une envergure alaire atteignant 12 à 13 cm, c'est le plus grand, et le plus gros des Sphingidae français, et même européens.
 
C'est par excellence un papillon migrateur, et il nous arrive régulièrement d'Afrique du Nord, la traversée de la Méditerranée ne posant guère de problèmes à cet excellent voilier ( terme que je préfère au barbare "volateur", souvent employé en entomo ... mais absent du dico ! ). J'ajouterais qu'il lui arrive de visiter nos voisins "Grands Bretons", et de parfois même atteindre les pays Scandinaves, avec quelques très exceptionnelles observations .... au niveau du cercle polaire .... excusez du peu !!!!
 
En règle générale les atropos immigrants arrivent en Mai-Juin, et se reproduisent sur place, avec émergence de la nouvelle génération en Septembre-Octobre. Les chenilles issues de cette seconde fournée auront bien du mal à boucler, et si chrysalides il y a, elles seront le plus souvent totalement décimées par les gels hivernaux. Leur survie est toutefois possible là où les conditions climatiques du lieu ou de l'année sont favorables. Vous l'aurez compris, mieux vaut donc être Niçois que Lillois ... mais c'est toujours limite !
 
Avant la généralisation des insecticides, et autres biocides, ce papillon était relativement commun, la chenille appréciant tout particulièrement le feuillage des pommes de terres. Trouver des chrysalides à l'arrachage était d'ailleurs monnaie courante, mais la mécanisation des récoltes est venue donner le coup de grâce, ou peu s'en faut.
 
 Sachez enfin que ce papillon est protégé en Suisse (Cantons de Vaud, de Schaffhouse, et de Thurgovie), et pour mémoire qu'il a eu les honneurs du Cinéma avec des films comme "Le silence des agneaux", ou encore "Un chien andalou" très étonnante et surréaliste oeuvre de 1928.
 
 
atropos sur le vif ( cliché 1) atropos sur le vif ( cliché 2) atropos sur le vif ( cliché 3) atropos sur le vif ( cliché 4)
 
Acherontia atropos ... comme si vous y étiez ! 
La bestiole peut étonner, intriguer, inquiéter, fasciner, répugner .... mais jamais indifférer !
 
atropos sur le vif ( cliché 5) atropos sur le vif ( cliché 6) gros plan d'atropos sur le vif
 
Dimorphisme sexuel ! 

Côté sexe, si j'ose dire, le dimorphisme est pratiquement nul. Les femelles sont généralement plus grandes, ce qui est quasi de règle chez les papillons. L'abdomen est aussi plus "avantageux" et plus obtus, mais ce n'est pas toujours patent, sauf à pouvoir comparer, comme ci-dessous. Cela vaut également pour les antennes, très ( trop ! ) discrètement différentes, ou encore pour le "frein" alaire qui demande un minimum d'expérience, et comme vous le verrez .... de bons yeux !

 
Elle ! ... Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), face ventrale de la femelle.  Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), face ventrale du mâle ... et lui !
ci-dessus: dimorphisme sexuel des plaques dites génitales, et donc des extrémités abdominales en vues ventrales.
ci-dessous: illustration du dimorphisme antennaire
Encore elle ! ... Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), antenne femelle. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), antenne  mâle. ... et encore lui !
 
 
Pour les curieux ce frein alaire, ou "joug", est un étonnant dispositif propre à certains papillons nocturnes (dont les Sphingidae), qui permet d'améliorer la qualité du vol, par couplage des ailes antérieures avec les postérieures. Chez le mâle le couplage revêt la forme d'une étroite bride spiralée (située au bord de l'aile antérieure), qui tel un ressort s'enroule autour d'une très forte soie à base articulée, implantée en bordure de l'aile postérieure. Pour plus de détails, vous pouvez vous reporter à la page entomo consacrée au Sphinx du laurier rose, encore que les agrandissements des illustrations ci-dessous soient parfaitement explicites
 
le frein alaire .... localisation du frein alaire mâle chez atropos frein alaire mâle chez atropos, ensemble frein alaire mâle chez atropos, détail .... de l'atropos mâle
à gauche: localisation du "frein" (voir sur agrandissement); au centre: repérage et détails du frein; à droite: détail l'enroulement de la bride sur la soie.
 
Les androconies !

Comme les illustrations ci-dessous le montrent, les mâles sont dotés de curieux bouquets pilifères disposés latéralement, à la base de l'abdomen. Aussi surprenant que cela puisse paraître ils sont totalement "escamotables", tout en pouvant disparaître ou réapparaître à volonté, et ce en l'espace d'une fraction de seconde. En dépit d'une morphologie pour le moins originale, il s'agit très certainement d'androconies, autrement dit de poils odorifères émettant des phéromones sexuelles, afin d'attirer les bonnes grâces ... des demoiselles atropos !

 
Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), "bouquets"  poilus latéraux. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), mâle,"bouquet" latéral déployé.  Sphinx tête de mort (Acherontia atropos),  logement latéral du "bouquet". Sphinx tête de mort (Acherontia atropos),  logement latéral du "bouquet", idem, détail.
Les poils androconiaux de l'atropos .... aussi hors normes que l'est ce sphinx !
 de gauche à droite: 1)- "bouquets" en vue ventrale, vous noterez leur position; 2)- "bouquet" déployé, cette fois en vue latérale ; 3)- mise en évidence de l'invagination dans laquelle le faisceau des poils androconiaux se "range", tel un éventail replié sur lui-même; 4)- détail du "bouquet" en cours de rangement.
.... et le tout en action ... et en vidéo !
 
Nota: ce curieux dispositif androconial a fait l'objet de la publication suivante :
Michel Faucheux & André Lequet - L'organe odoriférant abdominal du mâle du Sphinx tête-de-mort Acherontia atropos (Linnaeus, 1758) : étude en microscopie électronique à balayage (Lepidotera : Sphingidae). - Bull. Soc. Sc. Nat. Ouest de la France, nouvelle série, tome 37, (1) 2015.
 
Quelques spécificités ....
 
- le cri
 
Rien à voir avec le brame du cerf, ou le "cri qui tue", et c'est là une évidence. Reste que c'est suffisamment audible et surprenant pour ajouter à l' originalité de la bestiole, et à l'occasion à sa malfaisante réputation. Si le chat est connu pour miauler, et le chien aboyer, il est par contre difficile de définir si la bête piaule, crisse, couine, grince, ou autre chose encore. De surcroît l'émission sonore est susceptible de varier, un peu comme chez le grillon. Concrètement cela se traduit par des sons quasi plaintifs, faibles et espacés, ou au contraire puissants et rapprochés quand la bestiole est au plus fort de son excitation, comme ici , le fait d'être tenue par les ailes étant évidemment peu apprécié ! ( ne pas trop monter le son, risque de "déformations" ! )
 
L'origine de ce "cri" est longtemps restée plus ou moins obscure. Pour les uns les sons émis résultaient d'un frottement (comme ici chez le Grand capricorne du chêne), et pour d'autres il s'agissait d'une expulsion d'air par les voies trachéennes. En fait la bestiole a inventé l'harmonica bien avant l'Homme, car son fameux "cri" est schématiquement produit par le passage de l'air dans la trompe, via une lamelle pharyngienne pouvant se qualifier de "vibrante".
 
- la trompe
 
Chez de nombreux papillons de nuit la trompe est souvent plus ou moins atrophiée, voire carrément inexistante, d'où la brièveté d'une vie dévolue à la seule reproduction. En pareil cas les femelles disposent de réserves graisseuses, ce qui leur permet de "tenir le coup", et surtout d'assurer la ponte dans de bonnes conditions. Le sort des mâles est généralement moins enviable, et pour tout dire scellé en quelques jours, sinon quelques heures, l'essentiel étant pour eux de faire ce qu'ils doivent faire ...et font toujours !
 
Parmi les butineurs la majorité opère très classiquement, c'est à dire au posé. Les autres, très minoritaires, préfèrent le vol stationnaire, à la manière d'un colibri, d'où une trompe "à rallonge" (si je puis dire ! ), celle du Sphinx du liseron, ci-dessous à droite, dépassant par exemple les 10 cm, ce qui constitue un record, du moins pour notre faune.
 
Le Sphinx tête de mort se démarque nettement du lot avec une trompe à la fois très courte, très robuste, et néanmoins très acérée. Cela l'oblige bien sûr à se poser pour s'alimenter, mais ce véritable épieu lui permet d'aisément "piocher" dans les fruits avancés, ou encore de se sustenter sur les exsudations d'arbres blessés ou malades, et à l'occasion de "craquer" pour une gâterie .... à haut risque !
 
 
 trompe d'atropos "in situ" trompe d'atropos isolée détail de l'apex de la trompe d'atropos trompe de Sphinx du liseron (en partie enroulée) tromp du Sphinx du liseron (déroulée)
de gauche à droite: 1)- trompe d'atropos déroulée (remarquez sa brièveté, guère plus du centimètre); 2)- trompe isolée ( remarquez la taille, la puissance, et la pointe particulièrement acérée) 3)- détail de l'apex de la trompe d'atropos; 4 & 5)- à titre comparatif, la spiritrompe à la fois très longue, très fine, et très fragile du Sphinx du liseron (Agrius convolvuli). Vous noterez qu'il s'agit d'un nourrissage à base d'eau miellée.
 
 .... et le nourrissage manuel !

Là où certains papillons effectuent leur ponte d'une traite, ou encore en l'espace de quelques jours, l'atropos prend son temps, et c'est encore peu dire. Il s'ensuit une durée de vie pouvant atteindre plusieurs semaines pour les femelles (limite le mois ! ), d'où l'obligation de les nourrir en élevage. L'eau miellée est appréciée par la bête, mais les indispensables manipulations le sont nettement moins, tel le déroulage manuel de la très robuste trompe. L'expérience de l'éleveur, sa dextérité, et le "ventre affamé" de la bestiole permettent d'arriver au résultat ci-dessous, et aussi étonnant que cela puisse paraître la bête finit souvent par s'habituer ... jusqu'à un certain point !

 
"abreuvoir" pour  Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) Sphinx tête de mort (Acherontia atropos)  nourrisssage manuel, photo 1. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos)  nourrisssage manuel, photo 2. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos)  nourrisssage manuel, photo 3. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos)  nourrisssage manuel, photo 4.
Le nourrissage des "reproducteurs" ! ... et ici en vidéo !
La petitesse des "abreuvoirs" permet d'apprécier le volume ingurgité, et limite le risque de les voir transformés en visqueuses "pataugeoires", comme ci-dessus à droite. Bien affamé ce papillon est capable d'absorber la totalité du contenu (soit 1 cm3), mais en règle générale la moitié suffit à le contenter. A la fin de leur repas les bestioles ont fréquemment tendance à "piquer du nez" dans leur coupelle ... comme mon père le faisait dans son assiette !
 
- la défense
 
La position de repos, ci-dessous à gauche, constitue déjà une défense, en l'occurrence passive. Quand la menace se précise le papillon ouvre d'un coup ses ailes, ce qui donne la mesure de sa taille, et fait surtout apparaître les zébrures abdominales jaunes et noires qui valent un panneau "stop" au pays des bestioles. Ces couleurs sont en effet celles d'insectes piqueurs redoutables, et redoutés, tels les guêpes et frelons. A l'occasion le fameux "cri" ajoute à l'intimidation, et pour tout dire au bluff, d'autant qu'il peut aller crescendo en intensité, et surtout en fréquence.
 
défense passive par mimétisme atropos au repos (illustration du mimétisme) atropos en posture d'intimidation ...et active ...là aussi par mimétisme !
Au repos, à gauche, le papillon passe aisément inaperçu, mais s'il est inquiété, dérangé, agressé, l'entrouverture brutale des ailes fait apparaître des zébrures jaunes et noires, synonymes de danger par analogie avec les guêpes, frelons, et autres bestioles "piqueuses". Il s'agit bien sûr d'un bluff, mais l'agresseur peut s'en trouver dissuadé, ou décontenancé .... et l'agressé sauvé ... CQFD !
 
Les tibias des pattes intermédiaires et postérieures sont dotés de très robustes et acérées "épines" (savamment appelées "épiphyses épineuses" ! ). Sans être vraiment douloureux le ressenti de la piqûre est néanmoins à la mesure de la puissance des pattes, et l'effet de surprise ajoute évidemment à son efficience. Bien entendu les "coups de pattes" sont plus désordonnés que ciblés, mais il s'en trouve toujours pour arriver ... là où il faut !
 
Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) , patte intermédiaire. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) patte postérieure. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) patte postérieure, détail.
Qui s'y frotte s'y pique !
à gauche: patte intermédiaire "armée" de 2 épines; au centre: patte postérieure dotée cette fois de 4 épines; à droite: détail.
 
 
Dans les cas extrêmes la bestiole serait susceptible de "poignarder" l'agresseur, en usant de sa trompe comme d'un rostre. J'avoue n'avoir aucune certitude, mis à part le fait que ce soit mécaniquement possible, compte tenu de la puissance de l'insecte, mais aussi de la robustesse et de l'acéré de la trompe.
 
Toujours au titre des incertitudes j'ai observé un curieux comportement, et ce à plusieurs reprises, et avec des individus différents. Tenue par les ailes la bestiole recourbe son abdomen, s'en empare, et les pattes antérieures en "plument" l'extrémité à toute vitesse. Autant dire que les poils volent, mais en l'absence de propriétés urticantes peut-on y voir un vrai bluff défensif, ou une simple réaction réflexe sans véritable signifiance.
  
Pour clore ce chapitre, vous noterez qu' en matière de sécurité (industrie, B.T.P., etc...) notre signalétique emprunte en quelque sorte au monde des insectes, car par convention normalisée l'alternance de zébrures jaunes et noires est toujours synonyme de danger. Ce choix n'est certainement pas fortuit, et on peut même le qualifier de judicieux dans la mesure où il s'inspire de la crainte généralement ressentie face à tout insecte arborant ce type de graphisme. En pareil cas il s'ensuit de notre part un recul systématique, quasi réflexe, et c'est précisément cette réaction salutaire qui est recherchée en matière de sécurité.
 
- le "péché mignon"
 
Le Sphinx tête de mort est bien connu des apiculteurs, du moins là où ce papillon n'est pas rare. Il est en effet si friand de miel, qu'il n'hésite pas à pénétrer dans les ruches pour s'y goinfrer sans vergogne, sa robuste trompe ayant tôt fait d'y éventrer les rayons "mielleux".
 
Face à l'intrusion les abeilles peuvent se montrer relativement passives, le pillard en profitant pour quasiment puiser à sa guise, et quitter le "restaurant" sans coup férir. En fait tout se passe très vite, tel un raid, et non sans fébrilité, comme si la gourmande bestiole pressentait les risques encourus, et le fait que ses hôtesses puissent à l'occasion changer d'avis ...sans préavis !
 
En d'autres circonstances l'accueil est de fait plus mitigé, voire carrément hostile. Au mieux, notre Sphinx se verra contraint de piteusement battre en retraite, et d'aller chercher pitance en d'autres lieux. Au pire, les aiguillons venimeux finiront par avoir raison de l'épaisse toison du papillon, et à terme l'apiculteur découvrira le cadavre de l'intrus tout enrobé de propolis ( substance résineuse naturelle, récoltée par les abeilles, et utilisée comme matériau de colmatage ).
 
Cela étant, vous conviendrez que ces divergences comportementales suscitent bien des questions. Personnellement je pense que l'olfaction joue un rôle déterminant, mais je ne saurais en dire plus. Si un visiteur averti peut éclairer ma lanterne, je suis évidemment preneur, et même des 2 mains !
 
Pour conclure ce chapitre, je dirais que la quantité de miel prélevée par le papillon est insignifiante, et que le dérangement causé dans la ruche ( si branle bas de combat il y a ! ) est à peine plus préjudiciable, du moins en regard du "Varroa" (Varroa jacobsoni, voir site), minuscule acarien parasite pouvant compromettre le devenir même de la ruche.
 
Témoignage !
7 Mai 2018, Neuchâtel, Suisse : "Je viens de lire avec intérêt votre page sur ce papillon. Je suis apiculteur amateur et débutant. Hier soir, je l'ai surpris en train d'essayer d'entrer dans une ruche. Ce qui m'a beaucoup impressionné, il faisait nuit et j'étais équipé d'une lampe de poche, c'est que les yeux de la bête brillaient comme ceux d'un chat dans la lumière. J'avais l'impression d'être fixé par ces yeux oranges alors qu'il continuait de vrombir autour de moi. Étrange recontre. Et chapeau aux abeilles qui faisaient bloc à l'entrée de la ruche! La différence de taille est impressionnante...." Merci à Basile Graf, pour cette intéressante observation, et son accord pour publication.
 
L'accouplement
 
Bien que l'accouplement et la ponte de ce Sphinx soient censés nécessiter un espace vital important (de l'ordre du m3 à en croire la littérature spécialisée), il est tout à fait possible d'obtenir d'excellents résultats avec des volumes beaucoup plus réduits. Détournées pour l'occasion, et déjà souveraines à maintes reprises en entomo, les bourriches à poissons ci-dessous figurées, ont là encore fait leurs preuves. Elles se sont mêmes avérées plus pratiques que l'enceinte grillagée réalisée pour la circonstance, d'autant qu'il s'agissait d'un élevage totalement hors saison (en l'occurrence au coeur de l'hiver), d'où la nécessité d'installer ladite enceinte en intérieur chauffé … à savoir dans un bureau pas vraiment " fait pour " !
 
Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) , accouplement, photo 1. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) , accouplement en main, photo 1. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) , cages utilisées.
à gauche et au centre: entre superposition et juxtaposition, tel se présente l'accouplement ("flashé") des atropos.
à droite: la fameuse enceinte grillagée (80 x100), très vite abandonnée au profit des bourriches (35 x 60) ... "made in Décathlon" !
 
 
Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) , accouplement, photo 2. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) , accouplement, photo 3. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) , accouplement en main, photo 2. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos) , accouplement, détail.
de gauche à droite: 1 à 3)- dérangés dans leurs oeuvres ces couples se sont placés "tête-bêche", position semble-t-il moins fréquente chez atropos,
mais classique chez les autres espèces de Sphinx; à droite: preuve de la "fusion" des abdomens ... si besoin était !
 
 
Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), autre accouplement, photo 2 Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), autre accouplement, photo 3 Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), autre accouplement, photo 1.
... et pour le plaisir ! 
 
 
 ... avec l'uncus (et le reste ! ) en prime !
Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), armature génitale, photo 1. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), armature génitale, photo 2. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), le uncus. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), détail du uncus.
Aperçu, in situ, de l'armature génitale du mâle d'atropos (vue ventrale ! ).
L'ouverture des valves permet d'apercevoir l'armature génitale et son impressionnant "crochet d'attelage". Tout comme les valves, cet "uncus" (tel est son nom ! ) assure le maintien de la femelle durant l'accouplement. Lorsque le tandem est dérangé, on comprend mieux que le mâle ( déjà peu enclin à lâcher prise ! ) puisse se faire littéralement "remorquer" par sa partenaire ... voire carrément traîner !
 
tout ça .... Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), armature génitale du mâle en vue latérale. Sphinx tête de mort (Acherontia atropos), armature génitale du mâle en vue  ventrale ... pour ça !
Dissection de l'armature génitale du mâle d'atropos, avec mise en évidence des pièces chitinisées constitutives.
à gauche: en vue latérale; à droite: en vue ventrale.
Vous remarquerez la forme du pénis (souvent appelé "édéage" en entomologie), mais aussi sa position et une certaine modestie en regard d'une armature aux allures carnassières, limite piège à loups. Vous noterez également la forte chitinisation de l'ensemble, d'où une dissection relativement aisée, et une présentation "à sec" particulièrement explicite.
 
That is the question !

Dérangé dans ses oeuvres par une malencontreuse manipulation, un couple d'atropos s'est désuni. Estimant la durée de l'accouplement suffisante, je m'attendais à voir la bête pondre dans les jours suivants ... mais que nenni ! En désespoir de cause j'ai tenté une "remise au mâle", et contre toute attente il y a eu un second accouplement, ce qui semble très inhabituel chez les papillons. On peut même dire que le couple s'est "rattrapé", en jouant si je puis dire les "prolongations". Accouplés à coup sûr une grande partie de la nuit, ils l'étaient encore à 8h du matin , et le sont restés jusqu'à 16 h 30, alors que l'union de cette espèce est donnée comme courte par certains auteurs, au point de pouvoir passer inaperçue.

Considérant cet accouplement "bis" comme purement accidentel, j'ai eu la surprise de l'observer sur un second couple, et cette fois il n'était plus question de "rattrapage" car l'accouplement initial s'était parfaitement déroulé. Tenant à vérifier la normalité de la chose, j'ai testé un 3e couple ... comme suit ! Dans un premier temps, faute de mieux, j'ai mis à contribution un mâle aux ailes atrophiées, ce qui ne l'a pas empêché de rejoindre la femelle "pedibus", et de faire ... ce qu'il devait faire ! Le lendemain j'ai pu ajouter un mâle né entre temps, cette fois parfaitement constitué ... mais c'est l'avorton qui a été trouvé accouplé ! L'immaturité du second mâle ayant pu jouer j'ai poursuivi la "confrontation", et aussi étonnant que cela puisse paraître, le même scénario s'est répété ... 5 jours de suite !

Désespérant de voir la femelle se mettre à pondre (entre copuler et pondre ... il faut choisir ! ), j'ai finalement retiré les mâles, d'autant que notre "avorton" avait largement prouvé la multiplicité des accouplements chez Acherontia atropos. Pour finir il faut souligner la paradoxale et peu banale vitalité génésique de cet "avorton", le fait de ne pouvoir voler lui permettant semble-t-il de mobiliser toutes ses forces au seul profit du sexe opposé ... mais c'est là une simple hypothèse !

 
Manifestement inapte au vol ... Sphinx tête de mort (Acherontia atropos),  mâle "fripé". ... mais au "top" ... pour le reste !
 
 
les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr