Cauvini Story !
 
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Intro !

Curieusement Lebis attribue cauvini à Sirguey (l'Entomologiste, 1949, tome 5, p 144) … et Sirguey l'attribue à Lebis (Miscellanea entomologica, 1931, volume 33 N° 10, p 66), d'où une confusion passablement déroutante, car fort inhabituelle en la matière.

Tout aussi curieusement l'ambiguïté s'est longtemps poursuivie au niveau du statut taxonomique, cette "variété" ayant souvent été mise en synonymie … et non moins fréquemment réhabilitée ! A décharge il faut reconnaître que la rareté ( initiale ! ) de la bestiole, et sa variabilité intrinsèque ne facilitaient pas la cohérence du choix.

Story !

Jusqu'à la quasi fin des années 80 la forme individuelle cauvini était à juste titre considérée comme une rareté, même si les pseudoviridipennis (thorax acajou et élytres bleus) et coeruloamicans (entièremement bleu) l'étaient encore plus, et même beaucoup plus pour le quasi mythique "coeruleo".

Comme si cela ne suffisait pas, l'immense forêt d'Ecouves (15.000 ha) avait la réputation, au demeurant justifiée, d'être "difficile" car la répartition des auronitens y était (et y est toujours ! ) particulièrement capricieuse, pour ne pas dire déconcertante, ce qui limitait encore plus la possibilité de débusquer la déjà rare bestiole. De ce fait je me suis très longtemps contenté des 3 exemplaires trouvés dans les années 60-70, d'autant que ce trio suffisait à combler ma fierté … et à faire des envieux !

De nos jours la forme cauvini s'est vue définitivement confirmée en tant que telle, et de surcroît "démocratisée", si ce n'est banalisée, mais fort heureusement … elle se mérite encore ! Cela dit elle reste essentiellement associée à la forêt d'Ecouves (Orne), tout en pouvant néanmoins se rencontrer dans les forêts de Perseigne (Sarthe) et de Bellême (Orne), mais toujours très rarement, et c'est encore peu dire.

Tout a commencé en 1987, Alexis Bontemps ( "vieux" compagnon de chasse ! ) et moi-même ayant envie d'en découdre avec ce fameux cauvini, mais en sortant des sentiers battus, et cela dans tous les sens du terme. Concrètement il s'agissait d'appliquer la méthode qui nous avait si bien réussi pour le bleusei de la forêt de Lorges ( Bleusei Story ! )

Les cartes au 1/25.000 ont donc repris du service, le principe étant de dédaigner le cœur de la forêt au profit des lisières et lambeaux périphériques "tout venant", et donc sans a priori concernant la nature du boisement, son état, ou encore son étendue, Notre choix s'est porté sur la lisière Est, avec point de départ au niveau des "Buttes Chaumont", et donc au sud de ladite lisière.

La technique s'est très vite avérée payante, avec en prime bon nombre de variétés letacqui, certes plus classiques, mais néanmoins dignes d'intérêt. En 1988 on a poursuivi notre remontée, toujours le long de la lisière Est, et toujours avec le même succès. Le bilan, si l'on peut dire, était de l'ordre de la dizaine de cauvini sur le week-end, ce qui est aussi considérable que l'énergie dépensée !

Il n'y a que les montagnes qui se rencontrent pas, et l'adage s'est à nouveau vérifié, puisqu'à mi-parcours de notre remontée nous sommes tombés sur 3 chasseurs de carabes quasiment "sortis de nulle part". Habituellement ce genre de rencontre prête rarement aux confidences, mais il est heureusement des exceptions !

Présentations faites, il s'agissait d' Y. Delaporte, du Dr Laurent de Caen, et de J.J. Dupuis (aussi de Caen si ma mémoire est bonne). Comme nous ils prospectaient la lisière Est, mais eux la descendaient, avec pour point de départ les étangs de Vrigny, tout au nord de la forêt.

Bizarrement le trio prenait en majorité des cauvini dits "clairs" ... et nous des "foncés". Bien entendu nous lorgnions sur leurs bestioles avec un intérêt non dissimulé … et eux faisaient de même sur les nôtres ! Une confidence en amenant une autre, le "courant est passé", et la confiance s'est très vite instaurée. Au final il a été décidé de se revoir tous les cinq un prochain W.E., mais cette fois avec nos boîtes de bestioles, et la volonté de jouer "cartes sur table", dans tous les sens du terme !

 
Qui fut dit fut fait, et ce mémorable "cauvini s' Day" a eu lieu autour d'un pot, à Carrouges, en avril 1988.
 
Les découvreurs historiques !
de gauche à droite: Yves Delaporte, J.J. Dupuis, Alexis Bontemps, le Dr Laurent, et moi-même.
Nota: le fameux "Bois Roger" a été découvert en solo par Yves Delaporte. Il y a trouvé un véritable concentré de ce qui se fait de mieux sur Ecouves.
 
 

En guise de conclusion …

J'évoquerais une autre "story", non moins étonnante, à savoir celle d'Yves Delaporte, ethnologue de renom, et Directeur de recherches au CNRS (actuellement en retraite). Non content d'être l'auteur de très nombreux ouvrages et publications sur la Laponie et les lapons, mais aussi sur la surdi-mutité et le langage des signes, il s'est un temps consacré à l'entomologie, tantôt conventionnelle, tantôt sous l'angle ethnologique.

Dans le cadre de cette dernière rubrique il a notamment "infiltré" une très connue société entomologique parisienne, afin de littéralement disséquer par le menu les us et coutumes de l'entomologie ... et des entomologistes ! C'est extrêmement bien vu, et pour tout dire un tantinet dérangeant, tant l'analyse est à la fois pertinente et sans concession, toutes les petites manies et travers plus ou moins avouables se retrouvant noir sur blanc !

Pour intégrer un tel cénacle, s'y faire admettre et reconnaître, il lui a fallu faire ses preuves, et il les a faites bien au-delà de ce que lui-même imaginait. En effet le piégeur s'est proprement fait piégé, en ce sens qu'il s'est pris au jeu, au point de devenir un carabologue pouvant se qualifier d'hors pair.

 

Dans le cadre de l'article intitulé " De la distance à la distanciation. Enquête dans un milieux scientifique " (1987),
Yves Delaporte nous résume le protocole de son "infiltration" (1), puis avoue son intérêt pour l'entomologie (2)
( en l'occurrence pour la carabologie ! )

1)- " Il m'a fallu un an pour acquérir les notions de base et sortir de l'anonymat ; un an pour effectuer des captures d'un intérêt suffisant pour être regardé comme un pair acceptable ; et encore deux années pour sélectionner sur la base des connaissances acquises, des domaines de recherche sensibles, y obtenir quelques résultats spectaculaires, et en recueillir les bénéfices: intégration à un réseau, initiation aux secrets, participation aux potins."

2)- " Le lecteur aura deviné que mon engagement dans le milieu des entomologistes ne pouvait se réaliser efficacement sans un intérêt personnel, s'augmentant en proportion des progrès de l'enquête, pour l'entomologie. Mon intégration à ce milieu s'est donc réalisée sur un triple plan : non seulement au plan des relations sociales, au plan des comportements, mais aussi à celui de la participation aux valeurs et représentations - qu'il s'agisse de l'émotion esthétique devant le monde des insectes, du plaisir de la chasse ou de la passion de la découverte. Cette vision de l'intérieur présente l'avantage de permettre seule d'accéder à toute cette part qui, parce qu'elle est de l'ordre de l'affectif, est rarement formulée, mais se révèle pertinente pour la compréhension des comportements. "

 

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Pour ceux que cela intéresse ….

Articles ethnologiques sur les insectes et les entomologistes !

1984
A37. Des insectes et des hommes, Les Temps Modernes, 450, 1984 : 1235-1263.
Recensement de quelques traits constitutifs de la culture du milieu entomologique.
 
A40. Stratégies d'information et d'intégration dans une association d'entomologistes. Une approche ethnozoologique, Ethnologie française, 4, 1984 : 331-341.
Description des relations sociales dans une association d'entomologistes : groupes d'affinités qui se constituent sur la base des familles étudiées ; stratégies visant au maintien d'un consensus entre ces groupes, qui ont des systèmes de valeurs différents ; modes de transmission et de dissimulation de l'information.http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/45/87/84/PDF/hal-00458784_YvesDelaporte.pdf
 
1985
A45. Quelques remarques sur la formation de la nomenclature, L'Entomologiste, 41 (2), 1985 : 49-54.
Présentation, destinée à des lecteurs entomologistes, des points de vue anthropologique et sémiologique sur la nomenclature linnéenne qui fait partie de leur pratique quotidienne.
 
1986
A47. L'objet et la méthode. Quelques réflexions autour d'une enquête d'anthropologie urbaine, L'Homme(26, 1-2), 1986 : 155-170 et Anthropologie. Etat des lieux, Navarin / Livre de poche. Paris, 1986 : 164-182.
Une recherche en cours sur le milieu entomologique est prise comme exemple pour illustrer quelques traits de l'enquête ethnologique dans la société moderne.http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1986_num_26_97_368681
 
1987
A50. Sublaevigatus ou subloevigatus ? Les usages sociaux de la nomenclature chez les entomologistes, dans Jacques Hainard & Roland Kaehr (dir.), Des animaux et des hommes. Neuchâtel, Musée d'ethnographie, 1987 : 187-212.
Sur le plan de leur contenu comme sur celui de leur forme, il n'y a aucune raison d'exclure les nomenclatures savantes du champ de l'ethnozoologie. La nomenclature entomologique est prise comme exemple pour montrer qu'elle est analysable en termes de signes, de prestations sociales et de stratégies.http://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00505513/
 
A52. De la distance à la distanciation. Enquête dans un milieu scientifique, dans Jacques Gutwirth & Colette Pétonnet (dir.), Chemins de la ville. Enquêtes ethnologiques. Paris, Editions du Comité des Travaux Historiques et Scientiques, 1987 : 229-245.
Description des différentes étapes d'une enquête dans le milieu des entomologistes amateurs. La haute technicité des savoirs, aussi bien que le caractère confidentiel des informations qui se transmettent, ont rendu nécessaire l'intégration de l'ethnologue à ce milieu. Lorsque la distance entre enquêteurs et enquêtés s'amenuise ou disparaît, elle peut être reconstruite en prenant la forme d'une distanciation. http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/07/96/60/PDF/Delaporte_1987_Chemins.pdf
 
1988
A61. Les entomologistes amateurs : un statut ambigu, dans Yves Cohen & Jean-Marc Drouin (dir.), Les amateurs de sciences et de techniques, Actes de la Deuxième Journée sur l'histoire de la diffusion et de la vulgarisation des sciences et des techniques, Cahiers d'histoire et de philosophie des sciences, 27, 1989 : 175-190.
Entre l'activité de pure collection et la production scientifique dans le domaine de la systématique, tous les degrés de scientificité se rencontrent chez les entomologistes amateurs. Une étude de cas portant sur une controverse scientifique, l'interprétation de certains insectes comme simples variétés ou comme hybrides interspécifiques, montre comment cette controverse a cristallisé les relations sociales entre professionnels et amateurs.
 
A72. Parmi les noms : Anophtalmus hitleri, Bulletin ACOREP (Association des coléoptéristes de la région parisienne), 18, 1993 : 56.
Sous le titre générique " Parmi les noms ", une rubrique restitue aux informateurs entomologistes le point de vue anthropologique sur leur nomenclature.
 
A73. Quand un entomologiste rencontre un autre entomologiste… Forme et fonction des potins dans un milieu scientifique. L'anonymat urbain, Journée d'études de la Société d'ethnologie française, 19 avril 1993. [Actes non publiés]
Les potins qui circulent dans le milieu entomologique permettent à chacun de constituer peu à peu un vaste réservoir d'informations en sommeil sur les uns et les autres. Malgré la grande hétérogénéité de leur contenu, souvent sans relation apparente avec la pratique entomologique, ces informations peuvent être mobilisées et recoupées à tout moment pour atteindre les objectifs propres à ce milieu, notamment la capture d'espèces rares et localisées.http://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00089564/
 
1994
A74. Parmi les noms : Carabus clathratus ou " mâlanguille " ?, Bulletin ACOREP, 19, 1994 : 45.
 
A75. Parmi les noms : Delenda carthago, Bulletin ACOREP, 20, 1994 : 37.
 
A76. Entre nature et culture : l'insecte de collection, Anthropozoologica, 19, 1994 : 17-28.
Qu'elle s'expose dans le salon de l'amateur ou s'accumule sur les rayonnages du Laboratoire d'entomologie du Muséum national d'histoire naturelle, la collection d'insectes est l'un de ces objets faussement banals qui demandent à être examinés d'un regard distancié. La collection, en effet, ne relève pas seulement de la pertinence naturaliste, mais également de la pertinence anthropologique : elle est aussi un système de signes, dont les unités n'ont abouti là qu'après une longue chaîne d'opérations où entrent de multiples éléments culturels.
 
A79. Parmi les noms : Qu'est-ce qu'un " cafard " ?, Bulletin ACOREP, 21, 1995 : 22.http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/08/92/17/PDF/Delaporte_1994_Anthropozoologica.pdf
 
A80. Parmi les noms : Carabe de Solier, Bulletin ACOREP, 22, 1995 : 26.
 
Articles entomologiques conventionnels
 
- Un foyer basque d'hybridation entre Mesocarabus problematicus et Mesocarabus lusitanicus (Col. Carabidae) (avec Bernard Lassalle),
L'Entomologiste, 45 (1), 1989 : 45-52.
 
- Chrysocarabus auronitens en forêt d'Ecouves (avec Bernard Lassalle), Sciences Nat, 61, 1989 : 21-22, 1 pl. h.-t.
 
- Eucarabus monilis F. (Col. Carabidae) en Seine-et-Marne (avec Daniel Prunier), Bulletin ACOREP, 11, 1989 : 11.
 
- Contribution à la connaissance de la répartition des espèces du genre Mesocarabus dans les Pyrénées-Atlantiques (avec Daniel Prunier),
Bulletin ACOREP, 11, 1989 : 12-13.
 
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les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr