la couette !

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C'était au cœur de l'hiver, et des années 70....
 
Avec Georges Branger, un ami entomologiste, nous étions dans l'immense et superbe massif forestier de la Grésigne, lequel se situe aux confins du Tarn, du Tarn-et-Garonne, et de l'Aveyron.
 
Nous y traquions les carabes, mes insectes préférés, lesquels hivernent notamment dans les talus, les vieilles souches, et les troncs cariés.
 
Obnubilés par nos bestioles, on ne voyait pas le temps passer, ni surtout changer. Par ailleurs nous étions persuadés de trouver aisément gîte et couvert à notre gré et convenance.
 
Les bons coins de chasse étant censément hors des sentiers battus, et notre sens de l'orientation pas vraiment à la hauteur de nos ambitions, nous nous sommes quelque peu égarés, alors que l'aprés-midi était déjà bien avancé.
 
Outre la perte de temps, il s'en est suivi un départ à la nuit quasi tombante, avec en prime un verglas omniprésent sur les très étroites et sinueuses routes forestières censées nous ramener à la civilisation.
 
Frôlant maintes fois la catastrophe, nous commencions à craindre de devoir passer la nuit dans la voiture, car tout ce qui était susceptible de nous accueillir était fermé, la traversée des villages se faisant même sans voir le moindre signe de vie.
 
De fil en aiguille, et de village en village, il était finalement minuit bon compte quand nous sommes arrivés à Castelnau de Montmiral, au sud du massif. Sous le soleil des beaux jours, cette cité médiévale est à coup sûr attrayante et charmante, mais là elle s'avérait franchement lugubre, et pour tout dire particulièrement inhospitalière.
 
Sous un très chiche éclairage nocturne, rendu diffus par une "brumasse" glaciale, les portes bardées de fer se faisaient encore plus massives, le barraudage des fenêtres plus menaçant, les grilles en tous genres plus acérées, et la pierre elle-même prenait d'inattendus et inquiétants reliefs.
 
C'était carrément la cata, mais le Dieu des carabologues a du avoir pitié de ses ouailles en détresse. A force de tournicoter, nous sommes finalement tombés sur une fenêtre encore largement éclairée, avec sur la porte jouxante une très inattendue et salvatrice pancarte "chambre à louer"!
 
Livre en main, et minet aux pieds, une dame âgée et probablement insomniaque est venue nous ouvrir. Nullement inquiétée par notre allure, ou le déraisonnable de l'heure, elle nous a confirmé avoir une chambre, tout en précisant qu'elle n'était pas chauffée, mais que nous disposerions d'une couette "en vraies plumes d'oies".
 
N'ayant pas le choix, nous donnons évidemment notre accord, et sur l'insistance de notre providentielle hôtesse, nous allons visiter la chambre en question. Nous la savions non chauffée... mais la trouver fenêtre grande ouverte n'était pas vraiment prévu au programme !
 
Sans se départir de son calme, la vieille dame est allée la refermer, en nous disant avoir oublié de le faire, ajoutant d'un air entendu qu'elle avait l'habitude d'aérer quotidiennement...."pour l'hygiène" !
 
Autant dire qu'il faisait plus chaud dans un igloo, et que la fameuse couette "en vraies plumes d'oies" n'était qu'à moitié rassurante !
 
Très aimablement , la vieille dame nous a alors proposé de dîner, tout en spécifiant qu'elle n'avait pas grand-chose à nous offrir. Peu nous importait, car après une journée de chasse nous aurions évidemment dévoré n'importe quoi...encore que !
 
Précédant l'omelette nature annoncée, un grand bol de bouillon fumant nous est très vite arrivé, avec pour ma part un "objet flottant non identifié"...du moins sur l'instant !
 
Tel un sous-marin la chose naviguait entre deux eaux, au milieu des morceaux de chou-fleur. Plus ou moins grisâtre et boudinée, elle avoisinait bien les 5 cm, et donnait l'impression de pouvoir éclater à tout instant, telle une baudruche trop gonflée.
 
Vous l'aurez compris, il s'agissait d'une chenille, bestiole déjà fort peu appétissante par nature, mais compte tenu des circonstances il n'était pas question de faire la fine gueule, et encore moins d'accabler notre hôtesse.
 
J'avais vu bien pire, notamment en Algérie, et le minet de la maison sans doute aussi, car la peu ragoûtante larve s'est avérée à sa convenance, et elle est passée comme lettre à la poste !
 
Au terme de cette historiette, je dirais que nous avons finalement dormi comme des souches, ce qui est bien la moindre des choses pour des carabologues. Je dirais aussi que c'était la première fois que je couchais (en tout bien tout honneur !) avec un Commandant de marine....l'unique lit ne laissant guère le choix !
 
Pour conclure, j'ajouterais que la fameuse couette "en vraies plumes d'oies" a effectivement tenu toutes ses promesses, et mieux valait, car la "chambre froide" de la charcuterie voisine était certainement plus chaude que la nôtre !
 
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les pages entomologiques d' andré lequet : http://www.insectes-net.fr