Dans le cadre des travaux pratiques de Zoologie, les
enseignants, les étudiants, et moi-même,
étions descendus en stage de terrain dans les
Pyrénées-Orientales. Nous étions basés
à Banyuls sur Mer pour la semaine, et plus
précisément au Laboratoire Arago, annexe
universitaire de Paris VI.
Pour moi ce stage de terrain était doublement pain
béni, tant les centres d'intérêt personnels et
professionnels convergeaient. Il s'ensuivait des journées
particulièrement longues et bien remplies, mais la
brièveté des nuits résultait plus d'un
plaisir que d'une contrainte.
Dès l'aube j'allais en effet chasser pour mon propre
compte, et après le petit déjeuner je repartais
illico pour co-encadrer les excursions naturalistes en quelque
sorte officielles. Après le dîner, et de nouveau
à titre " perso ", je repartais en chasse de nuit avec
quelques étudiants intéressés, et nous
rentrions rarement avant 1h du matin..
Le contexte précisé, nous roulions lentement le
long de l'étang de Canet quand j'aperçois un
lézard qui assez loin devant nous traverse la route et
disparaît dans la végétation de l'accotement.
La taille, la stature, le volume apparent de la tête, tout
indiquait qu'il s'agissait d'un lézard ocellé, et de
surcroît d'un superbe mâle
Je fais bien sûr arrêter le car à bonne
hauteur, et très vite je débusque le saurien qui
détale " plein pot " et va se réfugier dans un gros
tas de plâtras sauvagement bennés à deux pas
de la route.
Ayant si je puis dire 40 étudiants sous la main, il
s'est vite trouvé une petite dizaine de volontaires pour me
prêter main-forte, et en l'occurrence dégager les
gravas afin d'accéder au repaire du " monstre ".
Son trou était très peu profond, sans doute en
raison de la protection déjà assurée par
l'amoncellement des déblais, mais la gueule béante
de l'animal en obturait littéralement l'entrée.
Vu le volume des masséters, mieux valait éviter
les impressionnantes mâchoires, car tel un bouledogue ou un
pit-bull, la bête n'est pas du genre à lâcher
prise quand elle mord, et en d'autres lieux et circonstances
j'avais déjà pu en juger.
Pour l'avoir là aussi expérimenté, je
savais comment tirer parti de ce " mordant " et
présentement un morceau de brique s'avéra
très démonstratif. Sitôt
présenté, sitôt mordu, et par tractions
successives j'ai pu extirper la bête d'une main et dans le
même temps la " cravater " promptement de l'autre.
Tout en tenant l'animal aussi fermement que ce dernier tenait
son morceau de brique, j'ai alors entrepris de chercher une
éventuelle femelle aux alentours. Je glanais depuis un bon
moment quand l'animal a laissé choir le minéral, et
de nouveau il m'a fallu clore la gueule béante.
Un morceau de roseau qui traînait a fait l'affaire, et
là j'ai vraiment pris conscience de la puissance de
l'animal. De fait le roseau a carrément craqué et
s'est largement fendu, alors qu'il était du diamètre
d'un doigt, et de surcroît très dur, car non moins
sec.
En guise d'épilogue je dirais qu'en dépit de
huit années de captivité le mauvais caractère
de cet ocellé ne s'est jamais démenti, car le simple
fait d'approcher du vivarium suffisait à déclencher
l'ouverture de la redoutable gueule.
Je dirais encore qu'il devait
être quelque peu misogyne, car la douce femelle
capturée le jour suivant n'est jamais parvenue à
s'attirer les bonnes grâces de son compagnon, et pas
davantage à adoucir les murs de celui qu'à
juste titre nous appelions " Furax ".
2)- le lézard
ocellé de Meknès
.... et là c'était au
Maroc, dans la seconde moitié des années 50
....
Comme précédemment
indiqué, j'avais déjà eu l'occasion de tester
la pugnacité de ce genre d'animal, et la puissance de ses
mâchoires. C'était au Maroc, et les ocellés y
sont encore plus grands que chez nous, à telle enseigne
qu'ils peuvent atteindre les 80 cm, étant entendu que la
queue intervient pour plus de la moitié. A noter au passage
qu'il s'agit du Lacerta tanginata, copie quasi conforme de notre
ocellé (Lacerta ocellata).
Ce jour-là je cherchais quelques
tortues terrestres (Testudo graeca) pour agrémenter le
jardin parental, et plus précisément compenser le
lot des inévitables fuyardes.
Je suis alors tombé sur un grand
spécimen d'ocellé, et en usant de la même
astuce que précédemment décrite (cette fois
avec l'aide un morceau de branche), j'ai réussi à
l'extraire de la faille rocheuse où il s'était
réfugié,
J'avais juste une sorte de petit sac "
marin " fermant par un lien coulissant, et quand j'ai voulu y
enfourner l'animal, ce dernier est parvenu à mordre le bord
du sac en question, et dès lors il s'est
avéré impossible de lui faire lâcher prise. De
mon côté j'étais fermement
décidé à ramener ce bel ocellé, tant
je le voyais déjà faire la une de mes terrariums.
La solution s'est imposée
d'elle-même : la bête portant le sac, et moi tenant la
bête, j'ai pu tranquillement finir mon périple, ce
qui m'a certainement demandé près d'une demi-heure.
À l'arrivée l'ocellé n'était toujours
pas décidé à en " démordre ", et au
grand dam de quelques dents, il a fallu me résoudre
à faire levier avec la lame d'un couteau.
Pour conclure, je dirais avoir
volontairement omis un " détail " qui donne toute la mesure
du " mordant " évoqué. De fait le fameux petit sac
marin était loin d'être vide, car il contenait 3
tortues dépassant très largement le volume du poing,
et une superbe couleuvre " fer à cheval " (Coluber
hippocrepis) atteignant le mètre cinquante!
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andré lequet
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