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Du rêve à la réalité !
 
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Chrysotribax rutilans perignitusA l'époque de cette historiette (1980) l'Andorre faisait figure d'Eldorado pour touristes et vacanciers, tant les innombrables vitrines regorgeaient de produits et matériels en tous genres, et cela à des prix défiant évidemment toute concurrence !
 
Par-delà cette "fièvre acheteuse" généralisée, et en quelque sorte "prolétarienne", l'Andorre était également bien connue pour la "discrétion" de ses banques, fort prisée des plus fortunés .... et d' euros pas toujours très clairs, tels les golfs d'Alain Bashung , trop tôt disparu !
 
Pour les amoureux de la nature c'était la grandiose beauté des sites et paysages, telles les cimes estivales encore enneigées servant d'écrins à des lacs azuréens. C'était aussi de verdoyants vals et vallons, de très propices microclimats, des prairies encore dignes de ce nom, le tout donnant vie à de véritables joyaux floristiques et faunistiques.
 
De nos jours les prix ne sont plus ce qu'ils étaient, l'urbanisation se fait plus que jamais galopante, faune et flore ne cessent de se voir refoulées, et le sacro-saint secret bancaire vient lui-même de prendre du plomb dans l'aile.
 
Pour autant, et vous l'aurez compris, l'Andorre reste l'Andorre, et dès le franchissement des 2409 m du Port d'Envalira, le plus haut col routier des Pyrénées (si ce n'est d'Europe) .... la magie commence à opérer !
 
Cette année-là (1980, je le rappelle) nous avions décidé de "planter la toile" en Principauté, et cela aux environs d'Ordino, la vallée du même nom hébergeant les presque 40 mm du fabuleux Chrysotribax rutilans perignitus, un des plus beaux et des plus grands carabes franco-ibériques.
 
Bien qu'il ne soit pas véritablement rare, ce bel insecte se mérite, et un peu de chance est même fortement recommandée. Son cycle de vie est en effet largement tributaire des biotopes fréquentés (altitude, exposition, températures, végétation, météo, etc...) ... d'où des apparitions quelque peu "capricieuses" .... et des entomologistes fréquemment déçus !
 
Bien entendu la rutilante bestiole me faisait rêver, et cela dans tous les sens du terme. Bras de Morphée aidant, il me souvient d'ailleurs d'une chasse très fructueuse, et surtout très originale ... brutalement interrompue par la sonnerie du réveil !
 
Situé à 1350m d'altitude, un peu au-dessus de la petite cité d'Ordino, le terrain de camping était idéalement placé pour un naturaliste, et cela sans être trop éloigné des indispensables commerces "vivriers".
 
Minuscule, et on ne peut plus rustique, le terrain longeait la "Valira del Nord" petit torrent au lit plus ou moins encaissé, bordé de grosses caillasses et de frênes pas vraiment au mieux de leur forme. Dans le droit fil d'aménagements pouvant se qualifier de spartiates, une sorte de dérivation alimentait un bassin de ciment brut faisant office de piscine pour "frigodèmes"... ou campeurs scandinaves !
 
Nous étions arrivés en toute fin d'après-midi, dans les premiers jours de Juillet, et nous nous étions installés en bordure du torrent, afin de pouvoir aisément profiter de la fraîcheur de l'eau ... mais là comme frigo !
 
Sitôt la toile montée, et le matériel installé, j'ai entrepris d'aménager l'accès au torrent, puisqu'il suffisait de couper les orties et ombellifères devant l'être, tout en déplaçant quelques blocs rocheux ... me réservant une bien belle surprise !
 
Sous l'un d'eux, j'ai en effet trouvé un élytre du fameux "perignitus", et de surcroît "tout neuf" vu son éclat. La présence en ces lieux du carabe tant convoité se voyait ainsi très opportunément confirmée ... et cela grâce à ses prédateurs !
 
En dépit de la fatigue du trajet, et du jour déclinant, j'ai entrepris de poser "à la sauvette" une dizaine de pièges à carabes (*) le long des berges du torrent, là où les enrochements et la végétation offraient tout ce que ces insectes affectionnent.
 
Ce faisant, je suis tombé sur de grosses limaces sortant prendre le frais, et d'un coup je me suis rappelé de mon rêve, et des dizaines de carabes attirés par ces visqueux gastéropodes, froidement empalés vifs en guise d'appâts.
 
La suite ne s'est pas fait attendre, une dizaine de limaces payant de leur vie mes élucubrations nocturnes ... étant entendu que les malheureux mollusques étaient charitablement écrabouillés (si je puis dire!), avant de finir embrochés et cloués au sol avec une branchette biseautée à cet effet !
 
Il me souvient avoir terminé à la lampe électrique, et ne pouvoir trouver le sommeil tant j'étais excité, mais aussi impatient d'être rendu au lendemain matin, avec obligation d'être sur pieds avant l'aube. Les carabes sont en effet nocturnes, et se mettent donc à couvert dès le jour levé, d'où la nécessité d'opérer nuitamment pour pouvoir valablement tester cette peu banale "chasse à la limace".
 
Faisant davantage confiance aux pièges, j'ai commencé par les relever, mais sans y trouver la moindre bestiole. Pour les limaces, je suis pareillement parti de l'appât le plus éloigné, mais plus je me rapprochais de la tente, plus ma déception grandissait, et plus je regrettais mon duvet, et des "écrabouillages" de limaces .... pas vraiment top écolo !
 
Après avoir failli chuter 10 fois, tant la nuit accentue la dangerosité naturelle des berges d'un torrent, je suis finalement arrivé à ma dernière limace. Elle était à quelques mètres de la tente, entre les racines d'un frêne mises à nues par les crues ....et elle n'était pas seule !
 
Vous l'aurez compris, un perignitus était bel et bien attablé, et dans le faisceau de la lampe il apparaissait encore plus beau, plus gros, plus rutilant ... et croyez-moi j'abrège les "plus" ! Du coup le moral est remonté en flèche, d'autant qu'il s'agissait d'une femelle, et donc d'une bonne pioche pour un éleveur. Dans la tiédeur du duvet, il me suffisait d'ailleurs de fermer les yeux pour me voir à la tête d'un troupeau de fastueux perignitus multicolores, et en pareil cas s'endormir n'est pas sinécure... surtout en comptant de vulgaires moutons !
 
Tout en sacrifiant comme il se doit à des activités touristiques plus classiques, j'ai pu mettre à profit les 2 semaines de mon séjour Andorran pour augmenter mon cheptel, en prévision d'élevages d' hybrides et métis, à l'époque inédits. Je vous ferais grâce des tonnes de pierres et rochers soulevés, des divers appâts proposés (en plus des pièges classiques), des quêtes nocturnes, et autres recherches tous azimuts.
 
Le jour du départ le contrat était pour moi rempli, avec 8 exemplaires vivants (5 femelles et 3 mâles) ... et une brochette de "trépassés" pour la collection. A cela s'ajoutait la découverte peu banale d'une femelle, très certainement mutilée par une faucheuse, puisque sur les 6 pattes propres à tout insecte, 4 étaient sectionnées à mi-tibia.
 
Ce n'était pas encore le fauteuil roulant, (si je puis m'exprimer ainsi!), mais le handicap était suffisamment important pour gravement hypothéquer le devenir de la malheureuse bestiole, et déclencher une ponte plus ou moins réflexe visant à préserver la pérennité de l'espèce. Telle la "cerise sur le gâteau" 18 oeufs me sont ainsi venus, ce qui m'a permis de commencer sur place un très inattendu élevage "in natura", et en quelque sorte ... "made in Andorra" ! 
 
 
(*) Ces pièges sont classiquement constitués de gobelets plastique enterrés à ras du sol, avec 2 doigts de vinaigre de vin. Ce genre d'appât a certes de quoi surprendre, mais il prévaut chez les carabologues, en raison de son attractivité, mais aussi de la bonne conservation des insectes qui s'y noient ... tels les cornichons !
 
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