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" Totor " le Bufo !
 
crapaud commun (Bufo bufo)C'était un crapaud commun, mais à plus d'un titre il n'avait de commun que le nom…
 
À l'époque, grâce au savoir-faire paternel, je disposais d'un grand terrarium de jardin où évoluaient une bonne cinquantaine de vipères et couleuvres, sans parler des lézards verts, et bien sûr du fameux "Totor".
 
Pour nourrir tout ce petit monde j'avais un élevage de souris blanches pour les uns, je pêchais la grenouille pour les autres, et les vers et insectes du jardin familial assuraient la subsistance des derniers.
 
Outre des aménagements plus classiques, mon père avait eu la géniale idée de réaliser l'assise périphérique de ce terrarium avec des parpaings creux scellés à plat. Positionnées vers l'intérieur les alvéoles du matériau constituaient ainsi d'excellents et nombreux refuges.
 
Notre "Totor" occupait l'un d'eux, toujours le même, et vu sa corpulence on peut même dire qu'il le remplissait. L'énormité de sa taille le mettait à l'abri des mauvaises surprises, et en l'occurrence de l'appétit des plus grosses couleuvres à colliers. Par ailleurs elle lui conférait un statut qu'il valait mieux ne point contester. En d'autres termes " Totor " était plutôt du genre à faire la loi, et il avait une façon très spéciale de le faire savoir à qui s'avisait de marcher sur ses plates-bandes.
 
Quand il faisait chaud mes pensionnaires étaient gratifiés d'un coup de jet, et la soudaineté de l'averse provoquait la débandade générale des reptiles. Par contre "Totor" sortait illico sur son pas-de-porte, et il y restait souvent un bon moment. Il entendait ainsi profiter de la fraîcheur de l'ondée, puis la température remontant, il réintégrait la profondeur de ses pénates.
 
Durant ces périodes, toute couleuvre ou vipère qui passait un peu trop près se retrouvait l'espace d'une seconde avec la tête dans la gueule du crapaud. C'était instantané, systématique, imparable, et si gros soit-il le reptile ne demandait pas son reste.
 
Cette "mise en bouche" était à l'évidence punitive car notre " Totor" savait fort bien qu'il pouvait compter sur sa ration quotidienne de "béguins". Il était d'ailleurs toujours très exact au rendez-vous, et en l'occurrence à la porte du terrarium où il ingérait sa bonne demi-douzaine de gros lombrics.
 
En dépit des apparences "Totor" était plus gourmet que gourmand, et on peut même dire qu'il faisait preuve d'une certaine délicatesse. Une fois le "béguin" engamé les pattes antérieures étaient plus ou moins simultanément ramenées au ras du museau, et pris entre les doigts de l'animal le ver était alors promptement ratissé sur une longueur correspondant à celle de la patte. La partie débarrassée du mucus et des particules terreuses était alors ingurgitée, puis déglutie une fois la partie suivante nettoyée. Au final, et par étapes successives, tout le lombric ainsi traité finissait par disparaître dans les profondeurs du gosier.
 
Quand la satiété se faisait proche "Totor" déglutissait plus lentement, plus difficilement, et devant la présentation d'un nouveau ver il se faisait alors très expressivement hésitant. Quand il reculait devant le "béguin", c'est qu'il était repu, et n'en pouvait plus. Venait alors un étonnant moment d'expressivité animale qui se répétait tous les jours à l'identique.
 
Durant plusieurs minutes le "Totor" restait totalement immobile, les yeux mi-clos, et la tête inclinée vers la droite. Pour couronner le tout un étonnant petit bout de langue rose pendouillait du même côté, au tiers antérieur des mâchoires.
 
Cela étant, et quitte à me faire accuser d'anthropomorphisme, je dirais que le "Totor" était manifestement béat de satisfaction, et que ça se voyait !
 
Pour conclure je dirais également que le "Totor" de cette " historiette" était évidemment une femelle vu sa taille, mais que mes crapauds ont toujours été ainsi dénommés, tout comme mes tortues étaient des "Nénétte" et mes hérissons des "Picasso".
 
 
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